Des chansons que j’ai écrites mais que je n’ai pas enregistrées.
Liens
océan déchiffrable
indéchiffrable amour
voici l’aube sans âge
et la splendeur du jour
et cette douce ivresse
jaillie de source verte
aux forêts de la vie
je suis ce que tu es
et nous sommes fragiles
comme un reflet tremblant
une illusion d’argile
tu es ce que je suis
un oiseau qui chavire
un voilier qui dérive
un nuage qui fuit
chemins vagues de l’eau
divagantes demeures
voici le temps de vivre
voici l’ombre qui meurt
sous les grands astres d’or
levés à l’horizon
des glauques profondeurs
je suis ce que tu es
et nous sommes des îles
reliées d’océan
aux vagues de l’exil
tu es ce que je suis
la marée qui s’étire
la trace d’un navire
aux songes de la nuit
étrangères musiques
voix de houles étranges
voici que me chavirent
des échos infinis
qui ressemblent à des rires
de marées et de flots
en mon âme abyssale
nous sommes fragiles
nous sommes des îles
une illusion d’argile
aux vagues de l’exil
© Francine Hamelin
Au bout de cette route
au bout des solitudes au bout de cette route
est-il un grand silence dont on ne revient pas
et lorsque je regarde ce monde en déroute
me semble que je partirais là-bas… parfois
et lorsque certains soirs en moi monte le doute
quand je vois tant d’enfants mourir de nos combats
contre le désespoir alors je m’arc-boute
et puis j’essaie de croire que la vie gagnera
très loin de tous les masques d’un monde de parure
loin des miroirs du vide qui volent en éclats
y a des jours de silence où je me claquemure
pour oublier les cris d’un monde en désarroi
s’il m’arrive de perdre le goût de l’aventure
lorsque la Terre en peine pèse de tout son poids
au fond de moi s’élève un espoir qui murmure
que c’est la vie encore qui un jour gagnera
dans sa beauté fragile la planète m’habite
d’arbres et d’océan de tourmente et de joie
je porte charge d’âme et ne sais point la fuite
je suis de cette Terre que je sais aux abois
et quand le temps me nargue et vitement s’effrite
ce temps que je voudrais celui que je n’ai pas
même au profond des nuits une flamme palpite
et me redit sans cesse que la vie gagnera
malgré les sabliers d’existence précaire
j’ai une éternité ancrée au creux de moi
sur mon itinéraire j’y trouve sanctuaire
malgré ceux qui nous quittent et tout ce qui s’en va
j’ai beau savoir que nous ne sommes qu’éphémères
savoir que la poussière recouvrira nos pas
il restera toujours une source au désert
avec ou malgré nous cette vie gagnera
© Francine Hamelin
La mer à boire
dites-moi capitaine
où va votre bateau
vers quelles contrées lointaines
cachées au bout des flots
j’ai rêvé d’un voyage
au long cours de la vie
et de terres sauvages
et d’étranges pays
où règne la magie
rêvé d’ îles sereines
écrins dans l’océan
belles îles gardiennes
des perles bleues du temps
répond le capitaine
j’ai appris tous les vents
les brumes incertaines
les récifs les courants
et le chant des baleines
m’a bercé tant et tant
et dans les nuits d’ébène
entendu les sirènes
sans me perdre pourtant
j’ai vu trop d’équipages
dans les brouillards troublants
qui cédant aux mirages
s’échouent sur les brisants
et quand le vent se lève
faut-il en vérité
que je poursuive un rêve
sans jamais le trouver
les îles magiciennes
à jamais englouties
sont légendes anciennes
que les marées entraînent
vers l’horizon qui fuit
lorsque je suis au large
n’ai point de nostalgie
la mer est mon langage
et l’eau est mon pays
il n’est guère de terres
qui ne soient en tourment
partout haine et colère
et déracinement
sur le mât de misaine
hissez le drapeau blanc
que la paix souveraine
à chaque jour me mène
au destin qui m’attend
un jour ferai naufrage
sur les écueils du temps
et de tous mes voyages
ce sera le plus grand
la mer est dans mes veines
et jamais ne finit
espace sans fontaines
sans eau douce sans puits
la mer n’est pas cruelle
elle est envoûtement
et je reste fidèle
à son cœur qui m’appelle
ses reflets obsédants
l’amertume du sel
ensorcelle mon sang
ma soif est éternelle
je boirai l’océan
© Francine Hamelin
Cette vie qui m’est prêtée
où vont toutes les vies rompues
et tous les rêves disparus
où s’en vont les chemins perdus
et cette détresse entrevue
comme une ombre au bout d’une rue
quand meurt l’innocence
dans l’indifférence
où s’en va l’enfance
on est monté sur un bateau
qui de toutes parts prend l’eau
à vouloir posséder la vérité
un jour on va couler
il faudrait bien nous rappeler
que tous les drapeaux sont de trop
avant de nous noyer
d’y laisser notre peau
je lance des cailloux dans l’eau
et je parle avec les oiseaux
malgré la mort et la misère
je trouve encore le monde beau
malgré les amis suicidés
les enfances écartelées
j’aime encore cette terre
et cette vie qui m’est prêtée
où va le silence égaré
sous tant de mots déracinés
notre parole est enlisée
où vont toutes les vies fauchées
et la mémoire des oubliés
dans l’immense nuit
des espoirs trahis
où va la magie
dans l’illusion et le confort
de nos existences incolores
nos yeux restent si bien fermés
que nos cœurs en sont aveuglés
et dans nos décors mensongers
notre sommeil est un tombeau
asservi aux reflets
de miroirs sans écho
j’entends des rires d’océan
très loin des rouages du temps
malgré les ombres et la colère
mon espoir demeure vivant
malgré les forêts saccagées
et les enfances exilées
j’aime encore cette terre
et cette vie qui m’est prêtée
où vont les rêves qu’on détruit
où vont les paumés les bannis
tous ceux-là que l’on humilie
ceux qu’on balaie sous le tapis
des statistiques du mépris
chiffres charognards
sur un écran noir
où meurt le regard
nous sommes pris dans un étau
qui fait de nous des numéros
à se faire comptabiliser
on finit par être étouffé
il faudrait nous désenchaîner
et rompre les rangs du troupeau
avant d’être écrasés
d’y laisser notre peau
alors je chante avec les loups
avec les arbres et le vent fou
malgré les douleurs et les guerres
mes rêves sont restés debout
malgré les haines insensées
et les enfances foudroyées
j’aime encore cette terre
et cette vie qui m’est prêtée
© Francine Hamelin
Comme un chant d’espoir
enfant des temps d’acier aux horloges étranges
la ville est à l’envers et nul n’y vient chanter
les oiseaux fous d’amour ont fui la nuit de fer
aux balcons du silence s’accroche encore le vent
enfant aux yeux liquides comme une eau trop fuyante
dans cette foule dense l’absence où tu te noies
au pays quadrillé d’un fleuve qui déroule
ses flots ses mouvements ses houles sur les rivages des trottoirs
fenêtres aux yeux crevés demeures aux regards vides
et falaises de verre comme un écho mourant
que s’apaise le cours des ombres en déroute
ce temps qui glisse sous l’argile de tes doigts
enfant des cités grises et des jardins d’asphalte
que tournent les couleurs des saisons éphémères
j’allumerai pour toi le versant des montagnes
dans l’or des peupliers la pourpre des érables
enfant des temps en ruines et des vies égarées
j’allumerai pour toi le cœur des paysages
des jardins d’améthyste où le temps vagabonde
et des arbres-flambeaux au ventre des brouillards
j’allumerai pour toi la braise d’un soleil
aux branches d’un mélèze dans le cuivre des herbes
et comme un chant d’espoir sur une ville noire
j’allumerai pour toi de grands oiseaux de feu
© Francine Hamelin
On parle bien trop fort
on parle bien trop fort on parle beaucoup trop
on dit bien peu de choses on dit beaucoup de mots
des mots comme des armes des langages de larmes
le cœur devenu sourd au milieu du vacarme
tout ce que l’on a dit se perdra dans l’oubli
quand nous serons passés comme le vent qui fuit
pour tous les mots qu’on sème le chant d’un seul oiseau
en dira beaucoup plus que notre histoire même
mais vous dire le cœur vous parler avec l’âme
en souhaitant encore que s’allume une flamme
que s’apaisent les cris qui déchirent la nuit
que s’éveille l’espoir tout au fond d’un regard
on parle bien trop fort on parle beaucoup trop
on parle bien trop haut et les mots sonnent faux
on a peur du silence on lui tourne le dos
et puis le cœur s’enchaîne à la voix du troupeau
s’effacera l’histoire de nos mots sans mémoire
miroirs en dissonance où sombre l’existence
la chanson des rivières en sa longue prière
coulera au-delà de nos mots sans lumière
mais vous dire le cœur vous parler avec l’âme
en souhaitant encore que s’allume une flamme
que se taise le bruit qui hante notre vie
que grandisse l’espoir tout au fond d’un regard
on parle bien trop fort on parle beaucoup trop
on ne dit pas grand-chose on dit beaucoup de mots
des mots enchevêtrés langage écartelé
des mots pour justifier les vies inachevées
passent les beaux discours les vérités d’un jour
de tant et tant de mots ne reste aucun écho
et la voix de la mer gardera son mystère
quand auront fait naufrage clameurs et langages
mais vous dire le cœur vous parler avec l’âme
en souhaitant encore que s’allume une flamme
que meurent les rumeurs qui nourrissent la peur
et que vive l’espoir tout au fond d’un regard
on parle bien trop fort on parle beaucoup trop
et le vide des mots donne froid dans le dos
toutes nos rectitudes hissées comme drapeaux
toutes nos solitudes qui se masquent de mots
tous nos vocabulaires érigés en frontières
retomberont poussière de nos vies éphémères
et le chant des baleines emplira l’océan
quand seront disparues nos paroles de vent
mais vous dire le cœur vous parler avec l’âme
en souhaitant encore que s’allume une flamme
que cesse le fracas où s’égarent nos pas
et que chante l’espoir tout au fond d’un regard
© Francine Hamelin
Passage
le temps n’est jamais ce qu’on croit
jamais ce qu’on voudrait qu’il soit
le temps le temps ne s’essouffle pas
c’est nous qui courons ici-bas
on va plus vite à chaque jour
en un aller sans retour
la vie s’enfuit à chaque pas
sable qui coule entre nos doigts
on s’enlise dans des miroirs
ou dans des cadrans dérisoires
où se consume l’existence
en une étrange mouvance
le temps n’est jamais ce qu’on voit
ni ce qu’on pense qu’il sera
le temps le temps ne bouge pas
c’est nous qui passons ici-bas
on prend toujours trop de détours
aux saisons d’un chemin si court
on fait le décompte des heures
entre l’illusion et la peur
mais les aiguilles des secondes
ne font jamais le tour du monde
les rêves tournent à l’envers
aux horloges de nos déserts
le temps n’est pas ce qu’on prévoit
ni la mémoire que l’on en a
le temps le temps ne s’en va pas
c’est nous qui fuyons ici-bas
on se cherche des au-delà
des paradis des nirvanas
comme si la vie était ailleurs
on sépare le corps et le cœur
parmi les masques et les décors
au grand théâtre de la mort
de nos guerres et de nos misères
à vivre sur cette terre
le temps n’est pas ce qu’on perçoit
ni le désir que l’on en a
le temps le temps ne s’écoule pas
c’est nous qui passons ici-bas
la danse de chacun suit son cours
notre sang bat comme tambour
l’histoire s’égare à chaque fois
entre solitude et combat
faudrait qu’éclate enfin la joie
qu’elle accompagne chacun de nos pas
et qu’elle nous arme de lumière
pour embraser la nuit entière
le temps n’est jamais ce qu’on croit…
© Francine Hamelin
Le bruit
y a des jours où j’en ai assez
de tout le vacarme insensé
des jours où j’en ai ras-le-bol
du bruit de notre course folle
j’prendrais un navire
j’m’en irais loin de ce délire
et je suivrais le vent
jusqu’au bout des océans
pour retrouver le silence
qu’il y avait dans mon enfance
quand j’pouvais entendre chanter
les étoiles et l’immensité
quand j’pouvais écouter parler
les arbres avec l’éternité
mais le ciel est rempli d’oiseaux
d’acier qui tombent de très haut
et même au bout de l’horizon
il y a toujours un bruit de fond
y a trop de fureur trop de cris
y a trop de rage et de folie
les échos s’en vont crescendo
les décibels sont infernaux
chaque fois que j’sors de ma maison
je me heurte au mur du son
la bêtise parle en stéréo
elle s’affiche sur tous les drapeaux
elle vampirise toutes les ondes
elle parasite la mappemonde
et le vide en sa démesure
essaie d’nous avoir à l’usure
il y a des jours où j’en ai marre
de subir tout ce tintamarre
c’est comme un disque qui s’enraye
et qui m’écorche les oreilles
dans un gigantesque engrenage
où le tumulte se propage
même les nuits sont envahies
par l’énorme cacophonie
j’voudrais que se taise la rumeur
de cet univers tapageur
et loin de clameurs éclatées
où je suis une naufragée
j’me réfugie à l’intérieur
de la musique de mon cœur
malgré le bruit tentaculaire
j’entends souvent pleurer la Terre
tous les grands arbres sont coupés
leur mémoire déracinée
le fracas du temps me chavire
il finit par tout engloutir
parfois je m’ennuie du silence
qu’il y avait dans mon enfance
© Francine Hamelin
À travers mille choses
Je n’ai jamais su donner un nom à ce que les gens appellent «dieu». On a commis et on commet encore trop d’atrocités au nom des religions et des dieux de pacotille de tout acabit, et il n’est de pires menteurs que ceux qui prétendent posséder «LA» vérité.
je ne sais votre nom
qu’à travers mille choses
vous êtes la saison
où mon âme repose
au cœur d’une autre histoire
que ce long désespoir
des êtres de la nuit
et des vies qui s’enfuient
je ne sais votre nom
que par les oiseaux vifs
qui s’en vont jusqu’au bout
de leurs ailes de vent
et qui laissent en moi
leurs rêves châtoyants
je ne sais votre nom
que par leur doux voyage
au-delà des miroirs
où se perd le regard
des masques dérisoires
dans l’orage de monde
je ne sais votre nom
qu’à travers des visages
que le temps a creusés
de rivières profondes
je ne sais votre nom
que par des yeux d’enfants
qui vont s’émerveillant
au chemin des nuages
par les voix et les chants
qui montent dans le soir
et redisent l’espoir
plus loin que les langages
je ne sais votre nom
que par ce songe ardent
dans le souffle des vents
et le feu de la terre
et par le cœur des pierres
qui bat tout doucement
au rythme des lumières
où s’abolit le temps
je ne sais votre nom
qu’à travers la mouvance
des marées de silence
déferlant aux rivages
de mon âme qui danse
sur des plages immenses
je ne sais votre nom
que par un grain de sable
loin des rumeurs de guerre
et des cris de colère
loin des villes amères
et du temps qui fait rage
je ne sais votre nom
qu’à travers la prière
d’un grand loup solitaire
dans les forêts sans âge
je ne sais votre nom
que par cette magie
au creux de chaque vie
qui se métamorphose
qu’éclatent les déserts
en floraisons sauvages
je ne sais votre nom
que par l’odeur des roses
vous êtes la saison
où mon âme repose
© Francine Hamelin
Les p’tites boîtes
quand j’compose un numéro
y a personne pour me répondre «Allô!»
y a seul’ment une p’tite boîte qui parle
une machine avec une voix glaciale
«faites le 1 ou faites le 2»
j’veux r’joindre quelqu’un mais je frappe un noeud
et si je me rends jusqu’à 3
peut-êt’ bien que j’aurai droit
à une conversation particulière
avec une téléphoniste de l’enfer
«pour nous votre appel est important»
ça fait déjà une heure que j’attends
prise à l’hameçon des communications
au bout d’la ligne j’ai l’air d’un poisson
qui tourne en rond dans son bocal
aspiré par la grande spirale
d’un univers virtuel
et d’un langage à l’eau de Javel
«faites le 1 faites le 2 faites le 3»
mais au bout du compte
j’ai pas vraiment l’choix
suspendue dans le vide cosmique
de milliards de circuits électroniques
j’ai l’temps d’méditer sur mon karma
la fibre optique c’est le nirvana
mon sens critique est oblitéré
ma mémoire programmée pour oublier
que j’commence à r’ssembler à un robot
avec une p’tite boîte en guise de cerveau
même mes idées démissionnent
y a comme un court-circuit dans mes neurones
tous mes amis sont sur Internet
i’s’pensent branchés au reste d’la planète
voilà qu’ils parlent avec un écran
pour voir des gens ils n’ont plus le temps
quand j’essaie d’leur téléphoner
y a toujours une voix synthétisée
une petite boîte qui me répond
qu’il faut que j’pèse sur des pitons
«faites le 1 faites le 2 faites le 3»
j’me sens su’l’bord d’la paranoïa
peut-êt’ que tou’l’monde est disparu
remplacé sans même qu’j’m’en sois aperçu
par des gadgets informatiques
par des bidules cybernétiques
à force de faire le jeu d’la machine
celui-là même qui nous élimine
sous l’rouleau compresseur du progrès
nous s’rons réduits à quelques octets
dans la mémoire d’un ordinateur
dont nous pensions qu’il f’rait notre bonheur
quand j’compose un numéro
y a personne pour me répondre «Allô!«
y a seul’ment une p’tite boîte qui parle
une machine avec une voix glaciale
Allô! allô! est-ce qu’y a quelqu’un?
…«faites le 1»…
est-ce que quelqu’un entend ma voix?
…«faites le 2 faites le 3»…
c’est rendu qu’c’est l’règne d’la machine
i’ reste personne au bout d’la ligne
«faites le 1»
«faites le 2»
«faites le 3»
«faites le 1»…………..
© Francine Hamelin
Les escaliers du temps perdu
Près de 5800 personnes sont en situation d’itinérance «visible» au Québec. Une hausse de 8 à 12 % de 2015 à 2018. Sont surreprésentés les Autochtones (en particulier les Inuits) ainsi que les personnes homosexuelles ou bisexuelles. Et on ne compte pas l’itinérance «cachée»… Triste portrait de notre société.
aux escaliers du temps perdu
dans les jardins rouillés des heures
poussent parfois d’étranges fleurs
dont on ne sait pas la couleur
car elles ne sortent que la nuit
aux corridors de nos oublis
néons clignotant dans l’ennui
la fatigue éteint les regards
quelqu’un parle de hasard
en déambulant sous la pluie
la vie s’enfuit à cent à l’heure
et un feu rouge pour le coeur
aux escaliers du temps perdu
il y a l’exil il y a l’errance
les noyés de l’indifférence
ceux qui chavirent sans un cri
dans l’anonymat de la nuit
aux corridors de nos oublis
la ville roule et se déhanche
sur le vide quelqu’un se penche
ayant bu jusqu’à l’ivresse
tous les reflets gris de la pluie
à la mémoire du temps enfui
dans le vide tombe sans bruit
aux escaliers du temps perdu
aux corridors de nos oublis
y a ce silence à bout de bras
et tous ces mots qui n’ont pas d’âme
et tous ces yeux où meurt la flamme
et la vie qui vole en éclats
aux rues de suie et de poussière
aux horloges de l’éphémère
l’éternité se fait fragile
pour les enfants de la nuit
éboueurs des temps de folie
dans les égoûts du paradis
aux escaliers du temps perdu
dans les jardins rouillés des heures
s’ouvrent parfois d’étranges fleurs
dont il ne reste que l’odeur
comme un parfum doux-amer
enraciné dans nos déserts
aux corridors de nos oublis
© Francine Hamelin
Une femme dans la ville (La funambule)
dans la ville une femme
regarde ses mains
et remet sa vie à demain
elle habite au cœur de minuit
et danse au fil de sa folie
elle passe sans laisser de traces
les yeux fermés
pour oublier
le vertige bleu de l’espace
comme une funambule qui ne sait plus
si elle doit vivre le cœur à nu
laisser divaguer son cerveau
quand le temps glisse au fil de l’eau
tout au fond de ses yeux nordiques
des ses prunelles nostalgiques
elle voit s’enfuir de grands navires
en se contentant de partir
parmi les lignes du destin
qu’elle contemple au fond de ses mains
parmi les lignes du hasard
nulle part
dans la ville une femme
regarde ses mains
et remet l’amour à demain
elle ouvre toutes les armoires
et laisse s’enfuir sa mémoire
elle danse sur des airs de silence
pas à pas
les bras en croix
elle danse sur le temps immense
comme une funambule qui ne sait plus
si elle doit naître au mourir un peu plus
garder l’équilibre entre ciel et terre
ou bien vivre libre entre le feu et l’hiver
ses rêves se noient dans son sang
son cœur s’endort comme un étang
elle partira un autre jour
quand le fleuve sera mort d’amour
quand les navires du chagrin
auront fait naufrage en ses mains
elle partira un autre jour
à rebours
dans la ville une femme
regarde ses mains
regarde ses mains
regarde ses mains
© Francine Hamelin
L’oiseau des paradis perdus
l’oiseau de paradis perdus
aux artifices des néons
entre la brique et le béton
s’enchaîne et ne s’envole plus
petite fille aux cheveux d’or
sur elle-même tourne sans cesse
sans pouvoir dire la détresse
de ce qui en elle s’endort
aux rues maquillées de la nuit
elle porte un étrange silence
elle a brûlé son existence
au feu des questions infinies
petite fille aux yeux de pluie
aimerait bien trouver l’oubli
de trop de mémoire qui blesse
et d’errance au bout de la nuit
l’intransigeance des aciers
et les murs à l’assaut du ciel
finissent par briser les ailes
des enfants abandonnés
petite fille aux yeux de peur
dans l’ombre s’enfonce sans cesse
sans pouvoir dire la détresse
de ce qui en elle se meurt
petite fille aux yeux d’ivresse
parmi les routes oubliées
esquisse un geste inachevé
et s’en va sans laisser d’adresse
© Francine Hamelin
Le cœur secret
un autre jour petite fille
un autre jour pour ton amour
tu t’en vas cueillir des oranges
dans les jardins inattendus
du cœur secret
entre tes doigts les soleils végétaux
brûlent d’un feu ardent
pour ton âme
petite fille
pour ton âme aux ailes d’oiseau
un autre jour petite fille
un autre jour pour ton amour
tu cueilles les fruits
d’or et de lumière
des musiques magiques
tu cueilles le feu infini
qui brillera dans les nuits blanches
et jalonnera ton chemin
quand tout chavire
et quand tout penche
un autre jour petite fille
un autre jour pour ton amour
comme des perles rares et baroques
les joyaux du temps
illuminent tes yeux
petite fille des étoiles tu danses
dans les jardins inattendus
du cœur secret
tu danses et tournes dans l’espace
et tes mains portent l’univers
un autre jour petite fille
un autre jour pour ton amour
pour ton âme
aux ailes d’oiseau
pour habiter le songe
de la vie…
© Francine Hamelin
La mémoire du feu
dis-moi où sont passés les enfants de l’été
ceux qui venaient s’asseoir entre deux longs chemins
et partageaient les songes et l’ardente patience
et le vin mordoré de tardifs crépuscules
(refrain)
les arlequins fleuris d’étoiles chimériques
parmi les jours soyeux nous regardaient passer
nous ont-ils oubliés je ne saurais le dire
mais j’ai gardé en moi le secret de leurs yeux
et l’étrange silence de leurs mains pathétiques
où s’allumait parfois la mémoire du feu
ah nous avons chanté bien plus loin que les mots
et nous avons dansé au rythme de nos rires
aux routes constellées de mouvantes lumières
aux rivages brûlants de soleils infinis
(refrain)
mais où sont les enfants de l’été désormais
ceux qui gravaient leur vie aux pierres des ruisseaux
ceux qui venaient tisser les jours et les semaines
sont-ils allés se perdre au fil des sabliers
(refrain)
© Francine Hamelin
Journal télévisé
le soir à la télévision
l’horreur passe en direct dans not’salon
l’apocalypse est quotidienne
entre la bêtise et la haine
bombes A bombes H bombes à neutrons
et bombes à fragmentation
des bombes pour toutes les saisons
on a le sens de l’invention
pourtant après Hiroshima
on s’était dit «plus jamais ça»
on a vite oublié faut croire
on a rien appris de l’histoire
on n’est pas fort sur la mémoire
le soir à la télévision
la guerre passe en direct dans not’salon
l’apocalypse est quotidienne
entre la bêtise et la haine
les chars d’assaut en défilé
le bruit des bottes sur les pavés
les mitraillettes et les fusils
feux d’artifice dans la nuit
dans le ciel des oiseaux d’acier
surveillent de leur œil glacé
le grand désordre mondial
et dans le chaos général
on voudrait nous faire croire que c’est normal
le soir à la télévision
l’enfer passe en direct dans not’salon
l’apocalypse est quotidienne
entre la bêtise et la haine
la torture et les génocides
les assassinats les suicides
les attentats les enterrements
on a le sens de l’évènement
les répressions et les famines
un enfant saute sur une mine
la moitié du monde crève de faim
la politique s’en lave les mains
le pouvoir est un assassin
le soir à la télévision
l’mensonge passe en direct dans not’salon
l’apocalypse est quotidienne
entre la bêtise et la haine
les promesses sont électorales
la richesse multinationale
c’est à croire que la pauvreté
c’t’un accident d’société
statistiques chiffres et sondages
et rectitude de langage
milliards de dollars à gogo
un jour on va tomber de haut
on s’ra égaux tous à zéro
le soir à la télévision
la mort passe en direct dans not’salon
l’apocalypse est quotidienne
entre la bêtise et la haine
y a sûrement quelqu’un qui nous r’garde
qui trouve que c’est un show d’malades
un soir quelqu’un va nous zapper
entre deux pauses-publicité
on se pense en sécurité
dans nos forteresses en papier
on reste assis dans nos fauteuils
mais Big Brother nous a à l’oeil
i’est en train d’clouer nos cercueils
un soir sur le petit écran
y aura comme un grand éclair blanc
on tombera dans un trou noir
un immense trou de mémoire
un soir à la télévision
en direct dans notre salon
c’est la bêtise qui aura raison
l’apocalypse s’ra pour de bon
la fin d’un monde
la dernière bombe
ou une météorite
exit
© Francine Hamelin
Et toutes les rivières…
à l’envers des décors
de la vie de la mort
lorsque la nuit s’achève
est-il une autre aurore
d’où prendre mon essor
loin du temps qui s’enfièvre
tous ceux que j’ai connus
et qui sont disparus
au bout de routes brèves
tout ce que j’ai vécu
et tout ce que j’ai vu
n’est peut-être qu’un rêve
et toutes les rivières coulent vers l’inconnu
j’entends tant de prières
qui montent de la terre
pour que vienne une trêve
que de toutes nos guerres
retombe la poussière
et que la vie se lève
nos drapeaux d’illusions
ne sont que déraisons
prisons et servitudes
au bout de nos questions
comme un très grand frisson
passe la solitude
et toutes les rivières coulent vers l’inconnu
au bout des corridors
de la vie de la mort
mon âme se dénude
et le temps que j’explore
dans un grand corps à corps
le temps est finitude
et loin du bruit confus
où s’agitent éperdues
foules et multitudes
loin des malentendus
et des déconvenues
de nos incertitudes
les rivières toujours coulent vers l’inconnu
au bout de ce voyage
est-il d’autres rivages
où finit l’inquiétude
des pays de courage
où rompre l’engrenage
de notre lassitude
nos masques de raison
ne sont que dérision
quand nous quittons la scène
au bout de nos saisons
est-il des horizons
où le cœur est sans peine
et toutes les rivières coulent vers l’inconnu
derrière les miroirs
les reflets provisoires
des apparences vaines
est-il une autre histoire
sans murs sans étendards
sans douleur et sans haine
loin des routes sans but
où nous aurons couru
jusqu’à en perdre haleine
plus loin que la cohue
des désirs ambigus
qui hantent nos semaines
les rivières toujours coulent vers l’inconnu
nous sommes en sursis
dans l’immense folie
de la bêtise humaine
au bout des tragédies
est-il une magie
qui brisera nos chaînes
au cœur de nos saisons
y aura-t-il des ponts
entre nos solitudes
que dans la confusion
des vies en tourbillon
passe la plénitude
car toutes les rivières coulent vers l’inconnu
© Francine Hamelin
Partir
arriver au bout des chemins
au seuil d’un nouveau matin
aller encore un peu plus loin
franchir la porte d’un autre destin
m’envoler comme un nuage
parcourir le ciel d’un rêve doux
devenir un oiseau sauvage
et prendre mes ailes à mon cou
partir vers d’autres mystères
et légère m’émerveiller de tout
devenir une rivière
laisser tout aller comme un grand torrent fou
devenir une vague
traverser les mers vent debout
des abysses aux étoiles
partir et me déraciner de tout
voyager plus loin que l’espace
m’en aller sans me retourner
m’échapper sans laisser de traces
dans le silence immense m’éclipser
devenir de feu de flamme
et dans le soleil m’effacer
m’embraser de toute mon âme
disparaître en me riant des sabliers
disparaître… disparaître… disparaître…
© Francine Hamelin
L’amie
il y a cette solitude
celle-là dont j’ai bien l’habitude
elle est là chaque matin
et prend ma main
marche avec moi sur le chemin
elle est fidèle plus fidèle que ne le sont même les chiens
elle est de ces jours de silence immense intense
où je sens la Terre qui danse
sous mes pas
elle est de ces moments bénis
où des éclats d’éternité viennent toucher ma vie
et chantent en moi
elle est aussi de ces jours gris
où la mort emporte la lumière de l’âme d’un ami
mais à travers ce que j’ai vécu de temps
pour voir la beauté de la Terre
elle m’a toujours donné des yeux d’enfant
il y a cette solitude
celle-là pour qui j’ai gratitude
avec son cœur de velours
sans faux-semblant et sans détour
elle est toujours sur mon parcours
elle est fidèle plus fidèle que ne l’est l’amour
elle est de ces moments d’infini
où tout l’univers n’est qu’une musique de vie
et de joie
elle est de ces jours où tremble le destin fragile et incertain
quand le doute m’étreint
quelquefois
elle est de mes nuits d’insomnie
où tournent dans ma tête
ce monde et ses abîmes de folie
mais à travers ce que j’ai vécu de temps
et malgré toutes les tempêtes
elle m’a toujours laissé mon âme d’enfant
il y a cette solitude
celle-là que jamais je n’élude
elle est de toutes mes souvenances
confidente de mon existence
compagne à la vaste présence
amie fidèle si fidèle de toutes mes errances
elle est de ces jours de soleil et d’éveil
où toute chose m’émerveille
à chaque pas
elle est de tous les paysages et me donne courage
lorsque l’horizon s’ennuage
parfois
elle connaît toute ma mémoire et mon histoire
si je m’égare dans la nuit
elle me redit l’espoir
et à travers ce qu’il me reste de temps
pour que s’illumine la vie
elle gardera toujours fervents
mes rêves d’enfant
© Francine Hamelin
Les cages d’amiante
enfants de braise prisonniers
au creux des cages d’amiante
dont la vie fut déracinée
par tant de tempêtes démentes
otages au coeur de la tourmente
de la bêtise hallucinante
d’un monde qui se fait trop vieux
j’entends le temps qui se lamente
et se noie au fond de vos yeux
entre les larmes et l’attente
de voir se raviver le feu
et face aux enfants du Soudan
aux femmes de l’Afghanistan
et ceux qu’ici même on renie
les exilés de la folie
ceux qui arpentent dans leur nuit
la mesure de tout notre oubli
l’immensité de notre absence
qui peut prétendre à l’innocence
alors que nous fermons les yeux
complices par indifférence
par silence ou par désaveu
au nom des dieux on tue on pille
c’est la liberté qu’on fusille
la haine s’invente des héros
qui s’en vont faucher les oiseaux
la mort aiguise ses couteaux
poignarde un enfant dans le dos
et c’est la vie qui se gaspille
mais nous préférons ne pas voir
et nous nions les abattoirs
en détournant notre regard
vers le confort de nos miroirs
entre Bhopal et Tchernobyl
le pouvoir tue et se défile
l’argent distille ses poisons
ses vénéneuses obsessions
puis il impose ses baillons
et jette l’espoir en prison
l’or noir n’a pas de compassion
à force d’oublier l’histoire
nous tombons dans le dérisoire
entre mensonges et illusions
l’argent fait de nous ses bouffons
enfants enchaînés aux usines
du temps glacé de la machine
prostitués des Philippines
ou amputés des champs de mines
le profit se nourrit de ruines
la cupidité de famines
c’est le rêve qu’on assassine
nous préservons notre insouciance
sous l’alibi de l’ignorance
en éteignant notre mémoire
nous cautionnons le cauchemar
l’argent arme les barbaries
soutient toutes les infamies
enfants-soldats de nos conflits
victimes de nos amnésies
enfants-esclaves qu’on bafoue
c’est la vie qu’on met à genoux
pour que s’engraisse l’opulence
pendant que nous tournons le dos
à l’intolérable évidence
quand d’autres portent le fardeau
de toutes nos inconséquences
et d’ici jusqu’au bout du monde
face aux enfants qu’on sacrifie
face à la détresse profonde
de ceux qui errent dans la nuit
face aux femmes que l’on violente
aux abandonnées de la vie
à la terre en état d’urgence
qui peut prétendre à l’innocence
quand nous nous masquons de silence
complices par indifférence
quand nous laissons mourir la flamme
complices par nos manques d’âme
enfants de braise prisonniers
au creux des cages d’amiante…
© Francine Hamelin
Oiseaux de malheur
y a des oiseaux de paradis
des oiseaux de malheur aussi
des militaires en rangs d’oignons
des vautours et des faucons
qui nous prennent pour des pigeons
y a des financiers véreux
qui mettent la planète en feu
qui pour le pouvoir et l’argent
volent l’avenir aux enfants
y a ceux qui ramassent le pognon
en nous tondant comme moutons
ceux qui ne parlent que profits
en affamant quelques pays
dans leur grand jeu d’Monopoly
il y a des gens très haut placés
qui mangent à tous les rateliers
avec un appétit d’requins
impunément bouffent de l’humain
y a ceux qui ont une langue de bois
pour dire rien et n’importe quoi
ceux qui ont le verbe nébuleux
et font de grands discours pompeux
qui n’ont de profond que le creux
y a ceux qui agitent des drapeaux
pour cacher le vide des mots
d’une bureaucratie cannibale
qui met cet univers à mal
y a ceux qui vident les océans
sous prétexte que c’est payant
ceux qui salissent l’univers
et ne nettoient jamais derrière
prétendant qu’ça coût’rait trop cher
y a ceux qui veulent avoir raison
et trouvent que les guerres ont du bon
ceux qui alimentent les conflits
pour mieux écouler leurs fusils
y a ceux qui veulent notre bien
et s’en emparent à pleines mains
ceux qui croient posséder la Terre
ceux qui nous pompent l’eau et l’air
et qui nous taxent pour ce faire
y a des indignitaires cupides
et des politiciens avides
de tout nous prendre même le pain
pour mieux engraisser leurs copains
y a ceux qui pour se faire élire
nous font des promesses en délire
une fois tous les 4 ou 5 ans
font semblant d’écouter les gens
et ne nous vendent que du vent
puis ils se cachent derrière des murs
pour décider d’notre futur
il y a quelque chose de pourri
au royaume d’la démocratie
y a des oiseaux de paradis
des oiseaux de malheur aussi
© Francine Hamelin
Ailes
mon âme a su garder ses ailes
avec elle je peux m’envoler
mais à la terre je suis fidèle
en elle un jour je dormirai
laissé mon passé en arrière
aujourd’hui n’est pas achevé
il reste encore une lumière
des frontières à repousser
il me reste encore tant à faire
et le temps je sais m’est compté
je travaille dans l’éphémère
à ne jamais le gaspiller
si la vie jamais n’est facile
elle est aussi simplicité
et dans ses merveilles fragiles
je trouve un peu d’éternité
tout au bout de mes souvenances
il y a toujours une forêt
le reste n’a pas d’importance
et ma mémoire est sans regrets
je suis complice du silence
il m’a appris ce que j’étais
peu m’importe ce qu’on en pense
ma vie est ce que j’en ai fait
ont pris le chemin des partances
beaucoup de ceux-là que j’aimais
ils ont tiré leur révérence
je ne les reverrai jamais
la mort n’a pas d’appartenance
elle abolit tous les reflets
les faux-semblants les différences
et l’esquiver nul ne le sait
et quand sera finie ma danse
à mon tour je m’effacerai
dans la musique du silence
loin du temps je reposerai
reste un rêve sous mes paupières
chaque fois que le jour renaît
c’est que s’arrête la colère
et que les arbres soient en paix
qu’avec son cortège de guerres
se calme enfin ce vent mauvais
qui souffle sur nos vies précaires
nos voyages inachevés
ma route n’est pas solitaire
à la terre suis entremêlée
je sais sa peine et sa lumière
elle est ma seule vérité
mon âme a su garder ses ailes
avec elle je peux m’envoler
mais à la terre je suis fidèle
en elle un jour je dormirai
© Francine Hamelin
Si nous aimions la vie
il n’y a jamais vraiment de temps perdu
seulement celui que l’on avait et celui que l’on n’a plus
l’urgence qu’il y a à notre parcours
pour faire de cette terre un doux pays
où nul n’invoquerait dieu ou patrie
pour tuer des enfants ou bien leur donner des fusils
la couleur de la peau ne serait qu’un habit
qui vêtirait notre âme de lumière aussi
si nous aimions la vie
j’suis apatride volontaire
pas de drapeau pas de bannière
j’ai l’nirvana enraciné
puisqu’ici je peux écouter
un arbre qui m’ouvre son cœur
et qui me parle avec ferveur
à ce monde mon âme est mêlée
tissée de rêves et de rochers
jusqu’au bout de ma vie
pas de drapeau pas de bannière
partout c’est le même univers
le même jour la même nuit
même douleur même magie
entre les ombres et la lumière
mon âme est ancrée à cette terre
je n’ai que faire d’un paradis
s’il n’est pour les enfants ici
et pour toute leur vie
il n’y a jamais vraiment de temps perdu
seulement celui que l’on avait et celui que l’on n’a plus
et l’urgence
© Francine Hamelin
Les petits métiers (ou La toune d’la travailleuse autonome)
j’pourrais m’faire capteuse de comètes
dompteuse de lions chasseuse de têtes
i’ paraît qu’y a pas d’sots métiers
faut juste en trouver un qui puisse payer
j’pourrais m’improviser prophète
c’pas difficile vu l’état d’la planète
j’pourrais même fonder ma propre secte
et devenir un grand gourou
ça rapport’rait beaucoup beaucoup de bidous
j’pourrais devenir trésorière
pousseuse de crayon sur des formulaires
si j’étais une menteuse chronique
j’pourrais toujours me lancer en politique
j’pourrais devenir député
pension à vie après quelques années
si j’étais assez opportuniste
j’pourrais même dev’nir premier sinistre
d’un gouvernement de fumistes
le monde est un grand casse-gueule
ça meurt partout c’est plein de deuils
j’pourrais fabriquer des cercueils
ça f’rait sûrement gonfler mon portefeuille
j’pourrais brasser des affaires
l’oreille collée sur mon cellulaire
être contrebandière ou banquière
représentante en paratonnerres
en tours guidés sur dromadaire
j’pourrais m’faire cartomancienne
et courir les fêtes foraines
j’pourrais même dev’nir présidente
d’une grosse agence de voyantes
si vous voulez savoir votre futur
ou si vos amours sont de bon augure
app’lez le 1-900-Mercure
ça va faire monter vot’température
20 pia$$e$ la minute spécial-imposture
j’pourrais m’faire loup-garou
tourner dans des films à Hollywoooooooooooo
jouer les vampires pour rire
et en même temps remplir ma tirelire
faudrait qu’j’trouve un métier qui est en vogue
informaticienne ou psychologue
y a plein d’ordinateurs qui ont des bogues
y a tellement d’monde qui ont des bibittes
j’me f’rais une p’tite fortune assez vite
j’pourrais devenir la championne
des danseuses de tango ou des espionnes
les doigts dans l’nez en mâchant ma gomme
n’importe quoi pour être travailleuse autonome
mais j’ai pas envie d’faire des pirouettes
des salamalecs et des steppettes
faire un infarctus pour faire d’la galette
j’veux pas vivre sur le chronomètre
en attendant l’heure de la retraite
j’suis pas un rat d’laboratoire
dans l’labyrinthe du dieu dollar
ni une marchande de cauchemars
dans un bazar un peu bizarre
j’vais continuer à ruer dans les brancards
j’vais continuer à jouer de la guitare
je n’écrirai jamais mes mémoires
avant d’avoir des idées noires
je m’en vais sortir de l’histoire
j’pense que j’vais prendre la poudre d’escampette
que j’vais toujours toujours rester poète
© Francine Hamelin
À bout de bras
prendre le temps à bout de bras
et m’en aller sans bruit
droit devant moi
n’avoir pas l’ombre d’une peur
et ne jamais compter les heures
qu’il reste à mon destin
ne pas vivre de souvenirs
qu’importe qu’il y ait ou non un avenir
à mon chemin
si comme un enfant je sais rire
je n’aurai pas vécu pour rien
je n’aurai pas vécu en vain
prendre mon rêve à bout de bras
et l’emmener tout doucement
plus loin que moi
et dans les villes de poussière
et dans l’exil des déserts
faire fleurir une lumière
changer les larmes en diamants
n’avoir pour toute arme qu’un chant
dans l’éclat du matin
si s’apaise un unique chagrin
je n’aurai pas vécu pour rien
je n’aurai pas vécu en vain
prendre un pays à bout de bras
et le porter sans drapeau
au fond de moi
ne pas le cerner de frontières
qu’il soit un coeur toujours ouvert
à mes frères humains
ne pas détourner ses rivières
laisser grandir les forêts d’une terre
libre enfin
si ce pays devient jardin
je n’aurai pas vécu pour rien
je n’aurai pas vécu en vain
prendre l’espoir à bout de bras
et le porter comme un flambeau
à chaque pas
qu’au milieu même de la nuit
il soit un soleil de magie
qui jamais ne s’éteint
et qu’il brode de feu le gris
la peine d’un monde meurtri
si incertain
si l’espoir allume un seul incendie
je n’aurai pas vécu pour rien
je n’aurai pas vécu en vain
© Francine Hamelin
Flamme
ma vie n’est qu’un souffle éphémère
je suis comme cet arbre qu’un jour on abattra
et je ne suis qu’une île qu’avalera la mer
le sable où s’effacent mes pas déjà
au milieu de silence je ne suis que poussière
ce que la vie me donne le temps le reprendra
mais il est une flamme qui toujours brillera
ce que la mort me prend le temps me le rendra
ma vie n’est qu’une aile légère
je suis comme un nuage au fil du vent qui va
comme une goutte d’eau au creux de la rivière
comme un oiseau fragile dans le ciel qui flamboie
ne suis que de passage aux chemins de la terre
mais je garde toujours au plus profond de moi
la richesse des rires et les éclats de joie
les amitiés précieuses la beauté que je vois
ma vie n’est qu’un souffle éphémère
dans l’immense mystère où se fond toute voix
ne suis qu’une musique ne suis qu’une prière
et j’ai toujours un rêve que rien ne brisera
et dans l’éternité d’un instant de lumière
tout ce qui m’est prêté un jour s’effacera
le cours des sabliers alors m’emportera
mais le feu qui m’habite jamais ne s’éteindra
ce que le temps me prend la vie me le rendra
© Francine Hamelin
D’argile et de feu
vienne la musique magique
pour atteindre le bout des nuits
parmi les routes insolites
dans la mouvance des esprits
de solitude et de silence
sont tissés les mots que j’écris
et d’angoisse et de délivrance
de joies de blessures aussi
et la parole que je porte
est de feu d’argile et de vie
cette musique qui m’emporte
reste ma plus belle folie
pour les enfants j’ai l’espérance
qu’ils connaissent meilleure vie
mais quand je vois tant de souffrance
m’arrive de douter aussi
des enfants je suis solidaire
car c’est toujours eux qu’on trahit
ce sont leurs rêves qu’on enterre
sous les cris les guerres le mépris
et leur peine à jamais me hante
et j’entends leurs voix dans la nuit
c’est pour eux souvent que je chante
ils restent mon plus grand souci
s’il m’arrive de toucher l’ombre
la lumière pas à pas me suit
et si quelquefois mon cœur sombre
il sait bien s’envoler aussi
j’entends rage orage et détresse
j’entends se dérouler la nuit
j’entends partout des S.O.S.
parfois un rire qui jaillit
entre la mort et l’existence
passent des routes infinies
entre solitude et silence
j’écoute parler tant de vies
quand parfois le rêve s’effrite
à tant espérer le matin
cette parole qui m’habite
me montre toujours le chemin
et dans l’alchimie de l’enfance
et dans l’argile de la nuit
et dans le feu de la présence
la terre alors se fait magie
aux sabliers des turbulences
le temps parfois devient jardin
il faut savoir faire silence
pour écouter le cœur humain
au fil des vies mon âme danse
et c’est ma plus vaste folie
et c’est ma plus belle folie
© Francine Hamelin
Chaque chose est à sa place
un enfant chante dans la rue
et peint des soleils sur les murs
et met des couleurs à l’hiver
un enfant rit dans la lumière
et chaque chose est à sa place
l’enfant le soleil et le temps
la terre tourne et le vent passe
et chaque chose est à sa place
un enfant chante dans la rue
et fait renaître le printemps
pour un vieil homme aux cheveux blancs
qui regarde grandir l’enfant
et chaque chose est à sa place
l’enfant le vieil homme et le temps
la terre tourne et le vent passe
et chaque chose est à sa place
le vieil homme conte une légende
où la ville est un champ de blé
un vieil homme aux yeux d’océan
rêve un été pour un enfant
et chaque chose est à sa place
l’enfant la légende et le temps
la terre tourne et le vent passe
et chaque chose est à sa place
un enfant se tait dans la rue
hier un vieil homme est parti
habiter la terre et le blé
un enfant soudain a grandi
et chaque chose est à sa place
la vie la mort et puis le temps
la terre tourne et le vent passe
mais chaque chose est à sa place
© Francine Hamelin