Dans un coin de silence
plus rien ne me retient aux portes du silence
ô matins de soleil bleu
je ne ferme plus les yeux
mes mains sont tendues à jamais
ou peut-être à toujours
et j’oublie la fatigue du temps
plus rien ne me blesse le coeur
j’habite le vent du large
j’habite la patience de la terre
je suis ici
debout
comme un arbre
je ne sais rien
je ne suis rien
j’apprends à mourir
j’apprends à naître
j’apprends à ne pas me retourner
dans un coin de silence
un enfant rêve
qu’il est un oiseau
© Francine Hamelin
Au grand jour
j’ai fermé l’oeil de la nuit
j’ai brûlé les livres gris
qui parlaient du temps perdu
et j’ai ouvert les armoires
où survivait ma mémoire
pour qu’elle meure en plein soleil
j’ai accompli les gestes bleus du matin
allumé la fenêtre de l’espace
défait les murs un à un
j’ai pris le coeur d’un enfant fou
et l’ai scellé en ma poitrine
pour partir
disparaître dans un vaste éclat de rire
au grand jour
© Francine Hamelin
La paix de ce jardin
Ce poème a été mis en musique et chanté par Karen Young sur l’album «La couleur du vent».
donne-moi la paix de ce jardin
et la calme tendresse
des fleurs de soleil
et le frémissement des herbes
donne-moi le songe des pierres
et la grande sérénité des arbres
afin que quelque part dans le temps
-s’il ne restait que les yeux aveugles
de la nuit
pour pleurer-
les enfants fassent éclater la musique
et s’effondrer les murs des citadelles
pour que tout soit simple et doux
comme aux jours de lumière
© Francine Hamelin
Les routes inattendues
dans la douceur des univers intacts
je traverse une autre rivière
où l’enfance joue en très grande paix
ah je chanterai plus loin que nos pathétiques folies
et je serai debout et libre
dans le parfum des aubes ruisselantes
j’apprendrai la lumière avec les doigts du cœur
et l’âme de mes mains
debout
et libre
parmi les paysages
seule
mais peuplée d’oiseaux
et de visages et de sèves
ayant l’espace d’un regard
échappé au tendre piège du temps
il reste à mes saisons un secret de feuillage à résoudre
et le mystère infini d’un grain de sable à entrouvrir
quelle soif extrême pousse ainsi mes pas
vers les routes inattendues
vers l’énigmatique présence des fontaines
ah je sais que les paroles du feu demeureront éternelles
et que je resterai fragile et éphémère
écoutant le silence luisant à l’envers des musiques
apprivoisant la beauté
de tout ce qui respire
de tout ce qui palpite
je sais qu’il reste à mes semaines
des départs à connaître
des retours à tresser
des ponts à reconstruire entre nos solitudes
mais sans reprendre haleine
sans m’arrêter du coin de l’œil
que m’importent désormais
les noms les apparences et les appartenances
entre vous et moi
il n’y a que l’univers dont nous sommes
et qui nous lie
inexorablement
© Francine Hamelin
De douceur et d’aurore
de douceur et d’aurore je bâtirai les jours
avec ce soleil au jardin de la mer
pour les enfants qui chantent au fond d’une ville
où des humains noyés
contemplent les heures immobiles
j’ouvrirai les demeures enfouies
au cœur de l’oubli
pour que le temps soit beau
comme une opale profonde
alors
quand une rose de feu aura envahi le désert
j’habiterai les fontaines du jour
© Francine Hamelin
Le poids du monde
je porte la multiplicité des êtres
je porte jusqu’au cœur leurs cris leurs rires
leurs voix comme d’étranges colliers
je porte poids d’arbres et de lumières
d’oiseaux et de migrations
je porte des détresses et je porte des pierres
et des joies à en perdre souffle
je porte des vies comme un battement d’aile
je porte des silences et des éternités
je porte des galères et des libertés
et des langages et des jardins et des gestes
ô enfant de sourire dans les pays mordorés
je t’offre jusqu’à l’âme
l’humanité dans je suis revêtue
© Francine Hamelin
Accomplir la magie
je veux te dire encore
une saison profonde
et de temps de haut vent
et tous les cerfs-volants
la montagne fidèle
et le rosier sauvage
l’oiseau inattendu
et l’arbre qui grandit
je veux te dire soleil
et clarté et présence
regarder respirer
encore une autre fois
toucher tous les visages
et toutes les écorces
caresser des feuillages
et des chevelures
je veux te dire aussi
les crépuscules mauves
le vitrail d’un matin
caché sous ma paupière
le pain à partager
et l’enfance à renaître
un siècle passager
au bout de l’horizon
je veux t’écrire lumière
et prière et musique
et commencer les ponts
qui franchiront la nuit
faire jaillir sur les lèvres
une libre parole
surprendre le soleil
aux portes d’un regard
je veux t’écrire patience
et beauté et tendresse
accomplir la magie
m’émerveiller de tout
dénouer chaque peur
délier chaque geste
pour offrir aux enfants
la paix simple et le fleuve
© Francine Hamelin
Alors les jours…
alors les jours auront la splendeur des moissons
et dans les villes de glaise humaine
les chants brilleront comme des soleils océaniques
nous regards prendront couleur de mélèzes et de roseraies
chacun d’entre nous sera solitude
ô temps d’extrême joie dans la clarté de l’enfance
le règne des jardins dépassera la mémoire
toute rivière prendra racine dans nos veines
dans l’œuvre des pays en steppes
nous serons espace et magie des jours premiers
au cœur des rires de vent et de sel vert
au creux des origines du blé
chacun d’entre nous sera multitude
nous habiterons alors des pays sans exil
alors nous habiterons le temps de chaque source
© Francine Hamelin
Hymne
ô roses évanescentes
voici venir la renaissance
espace d’une sonate
à peine un espace
mais plus encore
infini d’une voix incantatoire
comme une flèche lancée contre un horizon qui croule
musique plus profonde qu’un puits au désert de sel
ô tours en gerbes de flammes
comme une voix dans la paix de vivre et de mourir
ô visages du temps
je tourne mon regard vers le feu
nous avons projeté l’hymne de l’éveil
vers les rivages de l’existence
et l’incantation jaillie de nos lèvres
a transmué le monde au coeur de l’énigme
voyants émerveillés transfigurés de rêve
pour qu’affleurent à nos doigts des sources incandescentes
pour que tombent du soleil
d’étranges et belles enfances fluides
© Francine Hamelin
Maison du soleil
les enfants habitent la maison du soleil
et parlent avec les vents du monde
ils se rencontrent
au carrefour des saisons
lorsque la terre s’enchante d’arbres
les enfants habitent le silence bleu des montagnes
ils ont des yeux d’espace et de lumière profonde
ils ont tout le temps de l’univers
pour apprendre à jouer
parmi les chemins d’étoiles
et les jardins des semaines
les enfants habitent l’éternelle aurore
ils peuplent de couleurs et de fleurs sauvages
chaque parole et chaque chant
ils sont magiciens du rire
et alchimistes des arcs-en-ciel
ils connaissent
les sortilèges transparents des sources
et vivent dans l’infinie beauté de l’univers
© Francine Hamelin
Cantate
je vous salue hautes villes d’un monde à mourir
hautes villes échouées aux récifs silencieux
dans un ruissellement de poussière mouvante
hautes villes de mer dans votre œuvre de sel
l’horizon nous attend comme un soleil pensif
aux carrefours des vies et des très longs sillages
dans l’accueil incessant des étoiles nouvelles
à l’envers des miroirs et des mots consumés
demain nous referons l’ivresse et le vertige
et nous créerons les gestes pour célébrer l’espace
sortilèges luisants des peuples éclatés
ô domaines étranges des oiseaux de lichens
et nous tiendrons au creux de nos paumes d’argile
des aurores boréales et des chemins stellaires
nos lèvres défieront les énigmes et les signes
au fond de nos regards brilleront les comètes
nous serons délivrés du corail de la mort
et nous abolirons et son règne et son chiffre
ô murmure frémissant des étangs et des pierres
silence des roseaux et chant des magiciens
et nous serons enfin délivrés de la cendre
et des arbres brûlés et des armes aveugles
nous serons libres de la peur et de l’oubli
des vies inachevées et des clameurs de l’ombre
la terre m’est le souffle et l’enfance éternelle
et la rose polaire la braise et le varech
en moi les îles augurent des continents sans fin
des chants enluminés aux rives indomptées
je te salue cité d’alliance et de menthe
aux longs songes tissés de safran et d’ivoire
aux nénuphars fragiles dans le regard des êtres
ô matins connaissables d’un univers à naître
je te salue ô rêve cosmique de la Terre
© Francine Hamelin
Les oiseaux
j’attends un jour
d’oiseaux étranges
et d’immense paix
j’irai boire aux sources du soleil
les saisons magnifiques
et un pays nouveau
cet instant de cristal et de jardins suspendus
il y aura un pays vêtu de lumière
et quand viendront
les oiseaux-magiciens
les oiseaux-cantates
et la paix immense
je saurai que le rêve est vivant
© Francine Hamelin
Les saisons mordorées
je tomberai
parmi les saisons mordorées
mon enfance sera attentive
et comme silencieuse
quelqu’un passera sur le chemin
la vie sera belle
j’aurai le temps à fleur de peau
© Francine Hamelin
L’océan embrasé
j’ai aimé l’océan
pour son mystère plein
pour sa brûlante vie
et pour tous ses abysses
ces univers sans fin
où brille la lumière
embrasé l’océan
de merveilles fragiles
de plancton argenté
d’éternité scellée
sous la crête des vagues
et dorées ses nuances
et vaste en moi son eau
et hors de moi son sable
azuré son langage
et en moi sa parole
salés ses bras tendus
qui retombent toujours
pour se tendre à nouveau
en douce incantation
maritime la terre
jusqu’en son profond centre
océane de sources
et de fleuves cachés
fulgurante de lave
la terre enfouie sous pierre
océane la terre
de forêts et d’oiseaux
brillante de musique
la terre rouge et noire
la terre d’orangers
la terre d’oliviers
et l’huile de nos os
la terre retrouvée
pour un rêve si bleu
embrasé de fleurs vives
et j’aime l’océan
pour l’immense promesse
des aurores éclatantes
et du temps dévoilé
© Francine Hamelin
Un bruissement d’ailes
il y aura une fête au bout de nos saisons
comme un bruissement d’ailes
dans le jour enluminé de vent
il y aura un printemps vaste comme la terre
il y aura un printemps dans l’infini des choses
au songe des maisons
il y aura nos victoires
il y aura nos défaites
ce que nous aurions voulu vivre
et ce que nous vivrons peut-être
nous passerons comme le vent
nul ne se souviendra de nous
mais qu’importe ah qu’importe
puisque le monde est un jardin
peuplé d’oiseaux
© Francine Hamelin
Quelqu’un est venu
quelqu’un est venu
a ouvert toutes les portes
de mes châteaux de cristal et d’ivoire
a transformé l’odeur de la verveine en mes jardins
dans la fusion des feuillages et des blés
quelqu’un est venu
a peint de soleils d’air aux pierres de mes tours
a fait s’effacer toutes les murailles de mes citadelles
a fait s’évanouir toutes les douleurs closes
toutes les blessures crépusculaires
a posé ses paumes veinées de cantates sur mes yeux aveugles
a soulevé mes paupières de gel
a délivré mon regard et le vitrail de mon cœur
comme un orfèvre de lumière
quelqu’un est venu
mais n’a rien dit
n’a point descellé ses lèvres
m’a fait don du silence
n’a parlé qu’avec l’immensité de ses prunelles
et la paix de son sourire
puis s’en est allé doucement
me laissant seule
avec mon regard neuf pour boire
l’infinie couleur de la vie
qui respirait entre mes dents
© Francine Hamelin
Un autre silence
vois-tu
je n’ai pas le coeur à mourir
moi qui ne voulais pas attendre
il m’arrive d’attendre parfois
un mot un signe ou une voix
qui fasse s’enfuir la nuit à grand pas
je partirai au bout de mes semaines
je changerai de rythme et de saison
je changerai de corps et de maison
je partirai sans raison
sans refermer la porte
ah je voyagerai bien au-delà des horizons
mes pieds sont de mouvantes racines
je suis de la terre
et je suis de l’espace
mon coeur a des ailes d’oiseau
* * * * *
j’attends parfois
pour quelle autre lumière
pour quelle autre enfance
cet instant où le temps m’éclatera
où l’espace me reprendra
d’un bout à l’autre de mon être
j’ai le corps vibrant de toute la terre
à laquelle j’appartiens
j’apprends que la mort n’est qu’un autre silence
au seuil d’une porte
* * * * *
je n’ai pas la tête à pleurer
mes yeux sont remplis de légendes d’arbres
que je t’écrirai
avec la couleur des mots-feuillages
et l’encre de la nuit
ô Terre ma mouvante demeure
ouvre mes mains
que toute vie s’y repose
ouvre mes yeux sur le matin éternel
et comme on brise les sabliers
défais le temps
que la cristalline musique
m’habite enfin
infiniment
© Francine Hamelin
Apprentissage
je cueille comme un fruit d’or
le jour qui se lève
je pars avec le rire du vent
j’habite la cathédrale-terre
je connais la joie de l’arbre
et le poids paisible
de chaque branche nouvelle
je trace les sillons d’un champ d’aurore
je découvre le sens de chaque geste
je déchiffre le vaste langage des saisons
hiver et neige et poudrerie
m’ont faite femme du printemps
je nomme et réapprends chaque vie
j’appartiens à l’univers
je vis dans l’éternel et l’éphémère
© Francine Hamelin
Parfois
enfant des jours de couleurs
enfant des temps du rêve
toi qui venais chanter au milieu de la plaine
parfois je t’attendais
et au loin s’élevait lentement
le rire d’un oiseau saluant le soleil
et tu chantais alors
et je n’apercevais à l’horizon
qu’un très vieil arbre
et une frêle silhouette d’enfant
un profil dilué de lumière
parfois je fermais les yeux
et le temps s’arrêtait
j’écoutais l’étrange musique
était-ce une prière
ou était-ce un sourire
je ne sais
mais cela était beau
depuis les jours s’en vont
tout est silence
parfois j’attends
j’attends encore
© Francine Hamelin
Je veux dire un soleil
je veux ravir à la lumière un écho ivre
je suis l’arbre
et je cherche un pays éternel
je suis l’eau
et je cherche un univers en offrande
nous sommes apaisés
dans la vaste cité des fleurs
mon corps s’éblouit d’aurores
il est quelque part un secret caché sous la pierre
le temps ne s’abîme plus dans nos têtes immobiles
nulle ride au front du silence
nulle course inutile
je veux dire un soleil avec mes mains tendues
© Francine Hamelin
Océanique
la mer a des chevaux de verte écume
qui se brisent aux vents d’est
et s’effilochent aux rivages millénaires
le jour se penche
sur la solitude d’un enfant
la mer a la douleur
de ceux qui s’y sont perdus
la mer a l’amertume des fuites inutiles
la mer a des ailes d’eau saline
qui suivent les sillages lunaires
du temps qui se fait vieux
le ventre des voiliers
n’a oublié
ni la courbe des vagues
ni les courants à la croupe d’acier liquide
la mer a l’odeur des pluies de septembre
qui se dérobent
les marées ont gardé leur profil sauvage
et esquissé leur voix
dans la brume tardive
les marées n’ont oublié
ni la pierre
ni le fer
ni le sable
les marées ont gardé dans leur chair
le souvenir des arabesques de filets
la mer a le cri
des naufrages oubliés
le vent a oublié le nom
de ceux qui ont frappé aux portes du matin
de ceux qui ont fixé leurs regards incertains
sur les chemins de l’eau
de ceux qui ont murmuré des paroles à demi silencieuses
à demi entrouvertes
à demi disloquées
la mer a des chevaux de verte écume
à la crinière d’algues
qui déchirent la nuit
et se brisent aux vents d’est
© Francine Hamelin
L’été était venu
j’errais parmi les rêves de basalte bleu et de marbre
pendant qu’au creux du vent
des chants d’oiseaux réinventaient le monde
il me souvient des espaces où vous dormiez
sur les nefs errantes du sommeil
ô enfants du silence
c’était hier
ou peut-être le temps s’était-il perdu en d’autres lieux
et sur les promontoires nous regardions s’éloigner l’horizon
et j’interrogeais l’algue et la marée montante
une journée de mains tendues
de mains ouvertes
tant d’oiseaux ont chanté ce jour-là
tant d’enfants ont ri ce jour-là
il me souvient de vous
enfants sortis de votre long sommeil
sur cette plage où désormais nul n’était un étranger
c’était hier et demain
c’était un jour infini et éternel
j’en ai mémoire
l’été était venu
et nous regardions la mer
comme au premier matin du monde
© Francine Hamelin
Comme on part en voyage
partir s’en aller au printemps
mourir comme on part en voyage
renaître au-delà de la peur
au coeur d’un oiseau de lumière
la musique est au fond du plus vaste silence
et toutes les saisons recommencent nos vies
de la racine à l’arbre et de l’arbre au soleil
avec nos coeurs à nu dans la beauté du jour
partir en enfantant l’espace
à chaque pas à chaque geste
aimer les fleurs sans les cueillir
mourir en devenant jardin
© Francine Hamelin
L’aveugle
arbres
mes belles demeures axées
sur le soleil souterrain
arbres au cœur de cristal
torches paisibles d’un hiver
mes doigts précèdent mes yeux aveugles
image d’eau sous mes paupières froides
roses
mes douces mortes
mes tendres mortes
un oiseau est venu se poser
au feuillage de mes doigts
un oiseau
une brise
un sourire d’enfant
une larme de joie
mon âme posée à même les racines de mes paumes
mes prunelles pétrifiées
sur l’espace évanoui
alors mon cœur éperdu s’est vu fleurir
au bout de mes mains tendues
© Francine Hamelin
L’enfant d’aurore
un enfant d’aurore s’est approché
il a apprivoisé tendrement
le miracle de la moisson
et le monde qu’il savait fragile
il a dénoué toutes les musiques
il a écouté tous les silences
et gardé en ses yeux des paysages de couleurs
et des oiseaux étincelants
il m’a dit la vie et la mort
il m’a appelée par mon nom
il m’a dit l’angoisse et la joie
il me connaissait jusqu’au bout du coeur
un enfant limpide s’est avancé
un soleil au bout de ses doigts
il m’a regardée jusqu’au fond de l’âme
il a illuminé mes yeux
en m’ouvrant le monde très beau
© Francine Hamelin
Pour l’enfance
je dis la présence du chant
de la marée montante
au cri des vaisseaux d’algues et de cordages
où des hommes au regard profond
accueillent les jours paisibles
je dis forêt et je dis terre
à la cathédrale de l’arbre
dans l’unité de sa croissance
et dans la durée du pays
je dis lumière pour l’enfance
que nous portons au creux du coeur
l’enfance qui peuple nos doigts
et garde intact l’univers
quand nous apprivoisons le vent
© Francine Hamelin
Les arlequins
des arlequins de brume
traversaient mon enfance
à pas de soie
faut-il dire
que c’était un temps de transparence
presque comme un silence
au fond du soleil
et d’image en image
se dessinait un pays
au creux de notre regard
faut-il dire
que c’était un temps de grands espaces
en ce temps d’arlequins flous
quand n’existaient point les ombres
faut-il dire
que nous étions paisibles en ces jours-là
et que tout était vaste
faut-il dire
que nous étions vivants
de cette vie de plénitude
faut-il dire
que nous n’avions pas encore pleuré
en ce temps-là
quand nous étions beaux
comme l’enfance
quand marchaient à pas de brume
des arlequins de soie
au long de notre regard
© Francine Hamelin
Paysages fauves
paysages fauves
miroirs et mémoire
des enfants s’échappent des villes englouties d’échos
j’habite la tendresse
fontaine d’arbres pensifs
destin profond des sortilèges
à mes tempes criblées d’espaces rouges et de parfums
je ne sais d’usure
que celle des continents inattentifs à l’amour
© Francine Hamelin
Offrande
je donne à la montagne et aux vols de corbeaux
trois mille ans de silence et de neiges éternelles
nos veines sont bercées de siècles fugitifs
le temps tremble et se perd en son secret visage
quel hiver est venu aux portes des demeures
mélanger au lierre ses rêves de cristaux
ses luisantes étoiles aux arbres solitaires
quel espace à nos mains se peuple de lumières
© Francine Hamelin
Au-delà des étoiles
je chanterai
pour les enfants qui jouent au creux des vents
pour les enfants qui ont le coeur à marée haute
pour les soleils du bout des nuits
je chanterai pour ceux qui ne chantent plus
pour ceux qui ferment leurs paupières
quand le matin se lève
je chanterai pour le temps d’un autre temps
pour le sourire des étés éternels
pour le temps perdu et celui qu’il reste à bâtir
je chanterai pour saluer la grive
qui danse dans le soleil
je chanterai pour mieux savoir quitter les arbres
et puis je m’en irai sur des chemins de grands espaces
je partirai dans le vaste silence d’au-delà des étoiles
© Francine Hamelin
Le passant
au coeur des jours
puits d’ombres et de lumières
j’avais ouvert mes mains
étaient venus s’y poser le vent
et la question du silence
ce matin-là
il avait neigé
et je n’attendais pas
je n’attendais rien ce matin-là
un oiseau rêvait au bord des couleurs
au seuil de ma maison
un enfant s’est arrêté
m’a regardée
de ses yeux de soleil
a fait un geste de la main
comme pour offrir
le temps qui passe
et la réponse du silence
au coeur des jours
sources d’oiseau
et de patience
© Francine Hamelin
L’espace et l’éternité
il y aura des musiques limpides
il y aura l’espace
et la sérénité
et cette nuée d’étoiles
guidant la route de l’être et du navire
il y aura la mer
profonde
et comme brûlante de lumière
et l’oiseau qui chantera
le rivage
à retrouver
à démêler
d’entre les vents et les marées
il y aura
l’espace
l’eau
et l’éternité
et l’oiseau qui chantera
le jour
et la lumière
à dénouer
d’entre les ombres et les nuits
et si près de nos vies
un grand rire d’enfant
occupé à renaître
© Francine Hamelin
Dentelle
comme une dentelle opaline
le jour a posé sa lumière
sur la musique désensevelie
à l’horizon
de grands vaisseaux
ont déployé leurs voilures solaires
nous avons largué les amarres
et l’eau du ciel glissait autour de nous
nous avons parcouru
de longs jardins de jade fluide
et de corail
nous avons semé des chansons
au pli de chaque vague douce
et récolté les marées sauvages du temps
© Francine Hamelin
Dites-moi l’enfance
dites-moi l’enfance plus vaste que la terre
dites-moi le jaillissement des sources
au profond des couleurs
dites-moi la voix des fougères
et le chant de la tendresse au coeur des pierres
et la musique des automnes chavirés
et la fluide parole des préexistences
dites-moi le battement au cœur de ma planète
et le secret des pays paisibles
et le poids de la braise
et l’enfance armée de douceur
dites-moi le langage de l’enfance
aux étés transformés dans la splendeur des épis
dites-moi les neiges brûlantes
et les astres oubliés
j’approche les mystères à pas d’aigue-marine
et meurent les citadelles sous l’ivresse des sables
dites-moi les sortilèges amoncelés à la carène des navires
et les arlequins fous aux portes des silences
dites-moi ces visages semblables aux longs chemins
et les perles de lierre et de verveine
au fil des transhumances océaniques
dites-moi l’appel des météores
comme un oracle aux lignes des presqu’îles
dites-moi l’aile d’un grand oiseau
et le périple des étangs perdus
au bout des bras du rêve
dites-moi l’enfance semblable
aux arbres des vastes solitudes
et le feuillage consumé de ses doigts
dites-moi les jardins étranges du songe
et le reflet des nébuleuses
s’étendant aux confins du regard
dites-moi l’enfance cherchant un écho de musique
l’empreinte du délire
et la cadence des algues incandescentes
dites-moi les arabesques de la mémoire
et l’oiseau palpitant dans le cosmos de mes veines
dites-moi les blés de l’hiver
les retours immuables
la voix des éperviers
dites-moi l’enfance en sa patience en ses demeures
cherchant l’univers au bout des routes d’horizon
contemplant le soleil au cœur d’une rose
quand les mirages d’îles se changent en étoiles
je cherche un mot d’amour plus vaste que la Terre
© Francine Hamelin
L’autre côté du paysage
je partirai
je trouverai un chemin
et au bout de mon regard
un paysage qui atteindra ma mémoire
et quelqu’un chantera
confondu au soleil
quelque part en ce paysage
racines d’arbres
et ailes d’oiseaux
et quelqu’un chantera au fond de moi
confondu à mon sang et à mes yeux
la vie viendra lentement s’éclore
éternellement
infiniment
au seuil d’une porte ouverte sur le grand jour
je serai de l’autre côté du paysage
voix d’arbres
et regards d’oiseaux
© Francine Hamelin
Accueil
j’accueille les saisons entre mes bras tendus
et le monde très beau habité de patience
sur la chaleur du sable j’inscris chaque visage
j’écris chaque journée que l’eau effacera
le temps caresse chaque rêve
je nomme le pays des arbres
et la très grande fidélité de l’aube
et la tendresse quotidienne
je meurs de chaque tremblement
je suis l’oiseau perdu de neige
et dans la magie de la terre
je renais de chaque semaine
© Francine Hamelin