Mon nom
je garde en moi l’âme sauvage
des saisons et des torrents
et le lent périple des pierres
habite la mémoire de mes mains
j’avance à pas de silence
sur les routes de poésie
ce beau voyage inachevé
vers un pays où mon âme est chez elle
parmi les oiseaux les enfances et les blés
j’accueille des chants anciens
comme des paysages
pétris de rythmes millénaires
et de langages d’arbres et de vents
et je choisis mon nom de louve
à même la couleur des nuits
© Francine Hamelin
Les nuits d’opale
…infinies sont les routes du rêve
et si court le voyage
l’espace d’un corps
un soupir d’atome dans l’immensité…
aller au bout des solitudes
sous le regard des nuits d’opale
je cherche dans la mémoire des blés
des gerbes de silence
un lieu où tout est apaisé
où s’allège la fatigue
et le poids du monde
je cherche dans le cœur des arbres
des mots de sève et de feuillage
racines secrètes de l’enfance
et mille présences d’oiseaux
qui agrandissent l’horizon
aller plus loin vers l’inconnu
où tout se fond au bleu des ailes
aller au bout des solitudes
sous le regard des nuits d’opale
© Francine Hamelin
Chemin sauvage
je choisis le chemin sauvage
des forêts de haut silence
et des archipels d’étoiles
je choisis ce chemin sans entrave
et la couleur des blés
et la mémoire des pierres
je choisis le sillage ailé
des grandes migrations bleues
et les sillons profonds dans la terre du rêve
je choisis la route solitaire
d’un pays sans exil
au solstice de l’enfance
© Francine Hamelin
Bientôt
je suis cet arbre frémissant
sous la douceur d’un soleil nécessaire
dans mes veines lentement
monte le sang de la terre
la sève même des rêves
bientôt les jours longs de lumière
et les floraisons de couleurs
et les oiseaux revenus
qui m’apporteront des nouvelles
d’autres horizons
et les musiques de leurs voyages
bientôt
oui bientôt
toute la forêt qui chante
je suis un arbre de patience
© Francine Hamelin
Rebelle
…je demeure rebelle
pour ne pas devenir révoltée…
rebelle
toujours rebelle
avec mon regard d’enfance
avec mes mains pétries de terre
sculptées de pierre
et mon âme teintée de bleu
et d’ailes et d’indigo
rebelle
en ces sentiers entrecoupés
d’escales où reprendre
souffle et poésie
parmi les chants du silence
rebelle
sans autre appartenance
qu’à la terre
et à la route
en quête des racines les plus profondes
dans l’archéologie des étoiles
en marge d’un siècle qui s’effrite
rebelle
entre les jours de braise
et les nuits de velours
avec mon corps de poussière et de bois
avec mon cœur de louve et de forêt
avec le rêve qui ne s’éteint jamais
© Francine Hamelin
À force…
à force d’avancer
sur le fil du silence
j’ai découvert parfois
des maisons de papier
où des soleils déposent
des mots de blé et d’ambre
un jardin suspendu
dans la marge des jours
à force de parcourir
des forêts d’arbres sages
j’ai découvert des lieux
complices de mon âme
j’ai appris le langage
des esprits et des vents
et mille chants d’oiseaux
habitent ma mémoire
à force d’avancer
sur le fil du silence
à force de rêver
comme j’en ai devoir
je resterai debout
jusqu’au dernier voyage
comme un enfant qui rit
en renversant les ombres
© Francine Hamelin
Retour
je salue le silence revenu
et la tranquillité du jour
je fais l’éloge de la lenteur
et des horloges figées
la terre nous fait retrouver l’humilité
la terre impose son rythme
les arbres le savent bien
et les pierres aussi
et les oiseaux qui vont
à la rencontre du bleu profond
et les enfants qui dansent
sur les routes de rêve
je salue ces matins sereins
et ces nuits apaisées
et le retour du silence
qui vient bercer mon âme
comme une vague douce
et longtemps désirée
© Francine Hamelin
Pendant ce temps
quel vent passe sur l’horizon
et gomme un peu de l’ancien monde
pendant ce temps dans les forêts
les arbres étirent leurs racines
dans le secret du paysage
quand les soleils se font plus longs
quel vent souffle sur les sabliers
effaçant les traces de pas
et pendant ce temps les oiseaux
reprennent leur droit sur le bleu
et notre silence est propice
à leur musique de lumière
© Francine Hamelin
Debout
arbres de mon enfance
où je me réfugiais
loin du monde des grands
arbres qui m’apprenaient
les chansons de la terre
et les voix des esprits
arbres toujours présents
jalonnant toutes mes routes d’existence
et tous les horizons du temps qui rêve
forêts secrètes du pays que j’habite
arbres amis de mon âme
compagnons de ma solitude voyageuse
arbres dont le cœur embrasse
tout le bleu de l’espace
et toute la mémoire des pierres
arbres de mon enfance qui résiste
debout insoumise et sereine
face au monde et à ses tourments
© Francine Hamelin
Respiration
à la lisière des vestiges nus du jour
se déplacent les silhouettes
des solitudes humaines
errant dans les méandres
de temps incertains
le ciel enfin respire
et revient à l’oiseau
je m’incline devant le silence
où l’on peut entendre l’essentiel
© Francine Hamelin
Être
je suis la somme
de tous les pas que j’ai posés
sur tant de routes
et de la mémoire des déesses
qui m’ont accompagnée
je suis la somme
de toutes les forêts que j’ai parcourues
de tous les arbres qui m’ont parlé
de toutes les pierres
qui ont sculpté mes mains
je suis la somme
de tous les oiseaux
qui m’ont appris à naviguer
entre les îles du vertige
dans l’océan du ciel
le grand bleu de l’envol
je suis la somme
de tant d’existences croisées
inconnues ou aimées
de tous les esprits
qui m’ont appris les langages
de la terre et le temps du rêve
l’enfance ancrée dans le cœur
enracinée dans le regard
je suis un atome dans l’infini
© Francine Hamelin
Énigme
je ne résoudrai pas l’énigme des vagues
d’une nuit en déferlantes d’étoiles
mais j’y plongerai de toute mon âme
j’en apprendrai les courants
et les profondeurs
et les marées intemporelles
du rêve
je ne résoudrai pas l’éternelle énigme
des existences innombrables
mais je suivrai les traces
inscrites dans les sables
par des cortèges de saisons changeantes
je lirai les signes que le silence du temps
laisse sur les pierres
et les runes des pays oubliés
je ne résoudrai pas l’énigme
de la nuit avec ses arcanes boréales
mais j’y voyagerai doucement
vers l’horizon de l’aurore
dans les paysages ensorcelés
où se perdre encore jusqu’à l’enfance
© Francine Hamelin
Cristal
dans le silence qui m’entoure
et m’habite
je prends visage du paysage
de l’envers des miroirs
là où l’âme de la terre
défait les apparences
d’un monde en éclipse
dans le fleuve de mon sang
j’ai des nuages d’arbres
et des rêves de pierre
tout au cœur de mes os
à l’envers des miroirs
d’un monde de futilité
je prends nom d’un pays de vastitude
là où l’âme nue de l’enfance
efface patiemment
les vieilles mappemondes
et les dieux inutiles
le silence m’entoure et m’habite
l’oiseau est de cristal
et renverse les murs
© Francine Hamelin
Ici et maintenant
je marche dans les pas de ce silence
où l’on entend la terre
et j’aime ce chemin
de matins murmurants
dans l’inaltérable joie des oiseaux
et le bleu de leurs ailes
je marche dans les pas de cette quiétude
où l’on entend l’espace
et j’aime cette route
des nuits ensorcelantes
et bruissantes d’étoiles
à l’horizon de l’immensité
je marche dans les pas de cette enfance
où se révèle le cœur de l’arbre
et j’aime ce voyage solitaire
et pourtant peuplé de rythmes anciens
comme la mémoire des pierres
et les saisons du temps
j’avance
vivante
ici et maintenant
© Francine Hamelin
Mes mots…
mes mots s’enrouleront à l’arbre
pour que le poème appartienne
au-delà des saisons
à la forêt vive et sereine
dans le parfum des aubes
pour que la parole soit chant
de la présence des rivières
et des sèves profondes
dans le corps de la terre
pour que le rêve demeure enraciné
aux sources de l’existence
là où se rencontrent
le velours de la nuit et l’opale du jour
pour que l’enfance bleue
garde encore mémoire
de la voix des esprits
et des chemins d’oiseaux
mes mots s’enrouleront à l’âme
© Francine Hamelin
Chez moi
loin des fêlures d’un siècle
qui se consume jusqu’à la cendre
dans la cécité des murailles
je suis de nuit et de silence
je suis d’aurore et d’horizon
avançant à pas de louve
parmi les esprits et les âmes
qui peuplent les forêts
de l’enfance inaltérable
parmi les rêves des oiseaux
qui effacent tous les chagrins
ici je suis chez moi
les arbres me l’ont dit
© Francine Hamelin
Vieille louve
je n’existe que dans le rêve de la terre
je n’existe que dans le libre pays des oiseaux
là où rien ne s’enlise aux ornières
d’un temps factice
je n’existe que dans le rire des mésanges
je n’existe que dans la danse des arbres sous le vent
là où rien ne s’enlise aux sables mouvants
des faux-semblants et des mirages
je n’existe que dans le chant du silence
je n’existe que dans l’infinie beauté du mystère
dans le monde des humains
je deviens invisible
je n’existe que dans le rêve de la terre
je n’existe que dans le libre pays des oiseaux
© Francine Hamelin
Garder le cap
la nuit danse au bout de mes doigts
encre d’étoiles et plume d’oie
manuscrits anciens de la pierre
où graver les runes du temps
dans l’usure des continents
des mots d’océans et de vagues
pour chercher le bleu d’un chemin
vers les havres au bout de la nuit
malgré ce monde qui divague
garder le cap à l’infini
vers l’horizon jamais atteint
naviguer au plus près du rêve
et faire escale sur une page
encre d’aurore et mots de terre
dans les cahiers de l’éphémère
des mots que me soufflent les arbres
pour que jamais je ne m’égare
dans les méandres gris des ombres
garder mon âme enracinée
garder mon enfance lucide
des mots pour traverser sans bruit
la réalité illusoire
d’un monde qui a perdu mémoire
de la présence des esprits
laisser s’effriter les miroirs
des mots d’espace au cœur d’oiseau
des chants au rythme du silence
garder le cap coûte que coûte
pour qu’aux doigts de la poésie
la nuit encore une fois danse
© Francine Hamelin
Dans la marge
le ciel est grand
il y a tellement d’ailes dedans
des oiseaux blancs
au vent de mes rêves d’enfant
des ailes bleues comme la mer
quand elle vient caresser la pierre
des oiseaux gris comme la pluie
un jour où le temps nous oublie
des envols d’étoiles et de flamme
cet espoir au creux de mon âme
comme des mots d’éternité
dans la marge de mes cahiers
© Francine Hamelin
Portes ouvertes
j’ouvrirai grandes les portes
d’un matin transparent
où respirent des chemins de rosée
et des forêts solaires
aux rives des temps de mémoire
j’irai rejoindre les rivières secrètes
celles-là même où s’arrondissent
les pierres quotidiennes du rêve
et la poésie du silence
j’irai jusqu’à la mer là-bas
ses archipels bleus et fulgurants
et ses voiliers d’ailes déployées
sur les vents de sel et de marées
loin des pays emmurés
ce monde étrange
où je repasserai parfois
en tenant la main de l’enfance
pour ne pas m’égarer
© Francine Hamelin
Fractales
imaginer la mer au bout du paysage
comme un appel d’îles inconnues
cornes de brume
dans un monde qui dérive
à la limite du vide
dessiner un pays plus grand que tous les noms
qu’on pourrait lui donner
terre d’enfance
renversant les forteresses
de l’ancien monde
tracer sur le bleu profond de la nuit
les fractales du rêve nécessaire
routes d’étoiles
qui déferont les ombres
jusqu’au matin des oiseaux
et enlacer la mer au bout du paysage
© Francine Hamelin
Après…
que restera-t-il de toutes ces ombres
qui traversent la poussière
d’un siècle prisonnier
la poussière d’un désert
à la mesure de notre aveuglement
à la démesure de nos vains désirs
et dans le sable
des ruines que nous aurons érigées
passera le vent de notre impermanence
notre monde s’effacera
la vie reprendra toujours racine
avec nous
sans nous
nous ne sommes qu’atomes
dans l’irrésoluble équation
de l’existence et du chaos
la vie reprendra racine
dans les esprits de la Terre et du rêve
la vie est un arbre ininterrompu
et peuplé d’oiseaux
© Francine Hamelin
Dans l’argile et le sel
dans l’argile et le sel
sont gravés les secrets
d’une mémoire
plus ancienne que le temps
j’y ai trouvé à l’aurore
les signes du silence
les paroles des vents et de la mer
j’ai cueilli les légendes
des pierres si douces
qu’ont polies les vagues
et leurs doigts d’espace bleu
dans la terre profonde
et la danse des arbres
sont tracés les mystères
du cœur et du feu
et j’ai trouvé pays
dans les cantates d’un merle
dans le rêve vivace qui habite l’enfance
sous le sable sont enfouis
tous les pas perdus de l’humanité
les miroitantes illusions
de dieux inutiles
d’une réalité qui s’effrite
d’un monde qui déjà n’existe plus
je ne creuserai pas les dunes
© Francine Hamelin
Les rivières de la nuit
les rivières de la nuit
emportent les noyés
du temps sans visage
ombres fragiles et muettes
d’un monde déjà disparu
les rivières de la nuit
sculptent des mots d’albâtre
et tracent avec l’encre des chants anciens
des poèmes d’étoiles bleues
qui ouvriront les chemins des possibles
les rivières de la nuit
polissent les galets des rêves
que les enfants de l’aurore
offriront aux arbres de parole
aux oiseaux du mystère
à la mémoire des noyés de la réalité
© Francine Hamelin
Sources
parcourir les routes d’âmes
d’une existence insoumise
les paysages du rêve primordial
et dans les champs aux épis mûrs
cueillir la couleur de l’enfance
et la fragile beauté de l’invisible
ouvrir tout doucement
les portes oubliées
des secrets de la pierre
les livres bleus de l’envol
avec le regard de l’oiseau
déchiffrer les signes des vents et des îles
retourner aux sources
de la parole des arbres
ce chant d’étoiles vives
dans les veines de la terre
dans l’alchimie d’un silence
qui ne transmet que l’essentiel
© Francine Hamelin
Au plus profond
au plus profond du cœur
se nouent les liens
de la vie et du rêve
dans la vaste présence
des forêts et des ailes
et des nuages d’arbres
passent à l’horizon
du temps au visage nu
esprits protecteurs
vagabondant avec l’enfance
là où il n’y a que la rencontre des âmes
et le chant d’un oiseau
© Francine Hamelin
J’écoute
j’écoute le silence
je marche dans le temps
avenue de poussière
je marche sur la terre
et j’y cueille des pierres
mémoire de presqu’éternité
j’écoute l’arbre qui contient la forêt
j’entends les racines des âges de légende
et le cheminement des sèves
le murmure ténu
des lumières de rosée sur les feuillages
j’écoute le silence
j’écoute le ruisseau qui augure un grand fleuve
et plus loin
là où l’on dégolfe
j’entends le souffle des espaces de sel
et le bruissement d’une aile d’albatros
et plus loin
plus loin encore le mélopée des sirènes et des étoiles
et la voix ténébreuse des abysses
j’écoute le silence
ce moment de grâce
dans le cœur des pierres
et la respiration des oiseaux
et la danse de l’eau
quelque part sur une avenue de poussière
où je m’efface déjà
pas à pas
comme le temps qui va
et qui pourtant n’existe pas
© Francine Hamelin
Possible
comme un voilier de braise
au rêve de la vague
sous la calme lumière
d’une étoile à fleur d’eau
comme un silence lent
aux épaves des nuits
échouées aux rivages
des îles oubliées
comme un souffle d’oiseau
glissant sur l’infini
d’un arpège d’espace
où naît la poésie
comme ces fulgurances
qui défient la noirceur
ces lucioles d’âmes
que rien ne peut éteindre
comme une forêt bleue
où s’effacent enfin
les cadrans qui mesurent
nos pas et nos saisons
il y a bien quelque part
un pays sans contrainte
pour l’enfance éternelle
de nos vies passagères
© Francine Hamelin
Et puis…
sortir de la grande blessure du monde
des ombres vénéneuses
des geôles de la peur
ouvrir grandes les fenêtres
sur l’océan du cœur
laisser entrer le grand large
là où seule compte l’âme
dans les marées d’herbes hautes
et les courants bleus de l’envol
sortir de la grande douleur du monde
des ténébreuses illusions
du mensonge des dieux dérisoires
ouvrir grandes les portes des demeures
sur l’espace du rêve
laisser entrer le vent de l’enfance
et puis prendre en riant
la route de l’impermanence
© Francine Hamelin
Time Out
je veux un autre pas de danse
que celui du temps absurde
d’horloges qui tournent en rond
je veux un autre chemin
que les méandres d’une histoire
devenue ornière
je veux un autre pays
que ces drapeaux vides de sens
et tous ces mots déracinés
miroirs du mensonge
et tyrannie de la peur
mascarade des fausses compassions
des chiffres sans âme
de l’arithmétique de la mort
et de l’arythmie des bons sentiments
alors je reviens aux arbres
ici dans le silence où l’on entend
les secrets bleus des oiseaux
et les rêves des loups
chez moi
© Francine Hamelin
Rêver encore
il faut bien rêver encore
pour dépasser les ruines
de ce temps d’ombres qui rôdent
dans les couloirs de cendres
et les solitudes
du grand incinérateur des existences
il faut bien rêver encore
aller plus loin
que les nuits et les jours
tissés au fil des hasards
et voyager sur les sentiers clandestins
de l’enfance libre
il faut bien rêver encore
franchir les portes bleues
des pays d’âme
laisser entrer le souffle nu
d’un océan d’oiseaux
et le chant du silence
il faut bien rêver encore
il faut bien rêver plus fort
© Francine Hamelin
Mystère
comme au bout de toutes les mers
sur des navires de varech
l’alchimie du silence
imprègne mes os
dans le rayonnement secret
des nuits d’argile et des marées de sel
dans les pierres vivantes
j’entends battre le cœur du monde
cette mémoire des racines de l’existence
l’indocile liberté de l’enfance
je bois le bleu du rêve
à même l’horizon de la rose des vents
et mes mains ouvertes
attendent que le mystère
doucement s’abandonne
© Francine Hamelin
Une autre vie
pour rêver vraiment il faudrait s’éveiller
il est une autre vie aux portes de la nôtre
où la terre se souvient de toute l’existence
alors même que la nôtre a la mémoire courte
il est une autre histoire au-delà de nos murs
où les oiseaux prolongent la liberté des vents
et la joie d’un envol que nous avons perdu
demain n’existe pas encore
demain n’existe déjà plus
entre toutes les conjugaisons du temps
il y a l’étincelle fugace
de ce présent déjà passé
pas après pas sur les chemins aléatoires
de tout ce que l’on ne sait pas
il est une autre aurore en dépit de nos ombres
dans l’esprit des forêts et dans le cœur des pierres
dans le chanson de l’eau et le corps de la terre
dans les âmes aimées rencontrées sur la route
dans les rires d’enfants cette offrande d’étoiles
dans la lumière bleue des ailes voyageuses
et la vie restera bien au-delà de nous
© Francine Hamelin
En poésie
au bout de mon voyage
je n’aurai rien gagné
je n’aurai rien perdu
je n’aurai rien comptabilisé
de l’existence et des atomes
mes mots retourneront au silence
et mon corps à la terre des herbes
mon âme rejoindra les forêts
et mon cœur les oiseaux
dans les marées du rêve
dans la mémoire de la matière
dans le bleu profond de l’enfance
où je n’aurai rien gagné
où je n’aurai rien perdu
où j’aurai vécu en poésie
© Francine Hamelin
Voûtes ouvertes
sous les voûtes ouvertes
du grand rêve céruléen
j’écoute le chant de la terre
et les esprits qui chuchotent
une autre histoire du monde
loin des miroirs où les humains
cherchent l’image perdue
de ce qu’ils croyaient être
de ce qu’ils n’ont jamais été
mirages se dissipant
dans les déserts des vains désirs
sous les voûtes ouvertes
d’un espace peuplé d’ailes
j’écoute la voix profonde
des racines de blés et d’étoiles
et le murmure des forêts d’âme
offrant des merveilles
à l’enfance secrète
qui fracasse les miroirs
© Francine Hamelin
Demain
demain
demain n’est qu’une idée
nous tirons des plans sur la comète
en attendant qu’elle nous frappe
ou pas
demain
demain on ne sait pas
demain n’est qu’une idée
le futur n’existe
que dans nos conjugaisons
il y a l’âme que l’on met
dans chacun des pas que l’on fait
ni balises ni sabliers
seulement la route
où tout est lié
hier n’est que mémoire
demain n’est qu’une idée
et la terre nous rêve
© Francine Hamelin
Doucement
j’avance doucement parmi des voix d’oiseaux
mes amis voyageurs au soleil du matin
qui se font un concert sur la portée des branches
je fredonne avec eux les légendes des arbres
dans la langue sans mots et toute en résonances
des esprits et des pierres et des sèves profondes
et la terre à jamais rythme mon existence
et mes racines en elle me libèrent d’un monde
où règnent les reflets et la peine du temps
j’avance doucement parmi des voix d’oiseaux
offrande d’horizons au secret bleu de l’âme
© Francine Hamelin
Dans les bras de la terre
dans les nuits mordorées du silence
où le paysage s’étire jusqu’aux confins de la mémoire
jusqu’au bout de toutes les routes
je partage ma solitude
avec les arbres qui respirent
dans les bras de la terre
je défie les ombres mensongères
d’un monde devenu étranger
qui ne sait plus l’allégresse des ailes
et le souffle de l’âme
ah la folie de ces murs
érigés en dogmes pathétiques
sur le sable liquide de l’impermanence
les façades du vide
les langages artificiels
de la pensée préfabriquée
de l’aveuglement programmé
résister
résister encore
et je partage ma solitude
avec les arbres qui respirent
et les enfants sans âge
qui parlent avec eux
en toute liberté
dans les bras de la terre
© Francine Hamelin
Nuit indigo
au cœur des sables d’opale et d’ambre
mémoire de l’océan du temps
usant les pierres de l’histoire
dans son œuvre de sel et d’écume
je me confonds au silence
la nuit est indigo
où s’efface la vacuité
d’un siècle incompréhensible
la nuit est indigo
où le rêve des forêts
entre dans mon âme
et me donne encore
une raison d’être
© Francine Hamelin
Pourtant
les mirages gris se désagrègent
dans la désillusion
d’un monde qui a bâti
sa propre geôle
et qui en a jeté les clés
aux vautours
qu’on ne me dise pas d’être docile
je ne suis pas un animal dressé
pour obéir au grand cirque
du mensonge
et de la pauvreté d’esprit
qu’on ne me dise pas
de dormir sur mes deux oreilles
j’entends la douleur de la terre
et les enfants perdus des guerres
la bêtise qui vocifère
qu’on ne me dise pas
que ça va bien aller
ce miroir aux alouettes
des lendemains qui chantent
nous n’avons rien changé
nous n’avons pas changé
et pourtant
la poésie reste debout
le rêve garde la tête haute
et pourtant
l’âme voyage libre
dans la dignité de l’enfance
et se rit de nos murs miroirs inutiles
© Francine Hamelin
La voix du vent
ici passe la voix du vent
dans la harpe verte des herbes
dans l’intemporel voyage
vers tous les ailleurs possibles
ici cet instant libre
et vaste comme le bleu
d’un rêve de ruisseau
de l’esprit d’un oiseau
loin des mécaniques mélancolies
d’un monde devenu étranger
d’un pays à jamais perdu
dans la peine de l’eau amère
ici passe la voix du vent
qui abolira notre histoire
dans le chant du silence
© Francine Hamelin
Et puis ces jours…
et puis ces jours
où les nuages alourdissent
la fatigue du voyage
ce monde de plomb
où ne changent que les apparences
trop nombreux
ceux qui n’ont pas l’amour
de la Terre et de la vie
et qui n’existent que par peur de la mort
la mort
elle
est indifférente
elle passe
elle efface nos pas
et nos visages
anonyme maillon dans l’itinéraire de l’inattendu
un soupir dans le chaos créateur
ah ne pas perdre le rêve
et l’âme en ses racines
et l’émerveillement
ne pas baisser la garde
ne pas fermer les yeux
et puis
ne pas céder
à la lassitude de ces jours
où tout semble de plomb
dans la folie du monde
© Francine Hamelin
Comme un arbre
et quand j’arriverai au bout de ce voyage…
ce sera un jour de grand soleil
un jour d’oiseaux de cristal
ce sera un jour de chemins de craie
un jour comme un dimanche
où tout va doucement
quelqu’un aura brisé tous les sabliers
alors la vie sera paisible
comme un arbre
© Francine Hamelin
À mesure de silence
je ne sais si le langage
s’achève ou commence
au bout d’un autre paysage
comme une musique imperceptible
entre mille paroles entraperçues
je ne sais si les mots survivent
au bout du regard suspendu
aux routes solitaires
des rythmes et des cadences
comme un voyage à contretemps
aux sources de l’aurore
aux mille couleurs froissées
d’océans innombrables
je ne sais qu’un vocabulaire ciselé
en filigranes d’étoiles vives
en nuances de vent
au matin d’un pays mystérieux et fragile
en d’étranges chemins
au cristal du rêve
où se perdre à l’infini du monde
au-delà des miroirs
et des paysages fermés des solitudes
la poésie grandit à mesure de silence
© Francine Hamelin
Refuge
ma vie n’est qu’un pas
dans la danse des atomes
corps de terre et de pierre
et veines de rivières
mon corps n’est qu’un esquif fragile
dans l’océan ininterrompu de la durée
entre marées et ressacs
entre les îles et le grand large
je ne suis qu’une enfance bleue
écoutant la musique nue
des feuilles sous le vent
et le chant des racines douces
je ne suis qu’une aile
sur le parcours des existences
un oiseau réfugié
dans le rêve des arbres
© Francine Hamelin
Cette route
– il n’y a de repos que pour celui qui cherche –
Raoul Duguay
cette route
cette route toujours changeante
et ce pas qu’ici je pose
est fait de tous les pas
qui ont dansé ma vie
au rythme du cœur de l’enfance
sentiers de terre et de forêts
des champs de blé
des chants d’oiseaux
et du vent dans les herbes hautes
cette route
cette route toujours mouvante
comme vagues et comme marées
cette route parsemée d’îles
et de grand large
d’accueils et d’écueils
de tempêtes et de havres
mais toujours vers l’horizon
inconnu des possibles
cette route
comme l’eau d’un fleuve
qui coule jamais semblable
quand demeurent la source
et tout au bout la mer
cette route
cette route est le voyage
© Francine Hamelin
En marge
en marge d’un siècle-tumulte
qui s’est perdu dans les mirages
en marge des heures bancales
où s’agite le monde étrange
des regards vides et des absences
j’écris en lettres d’étincelles
de vastes soleils de minuit
et des aurores chatoyantes
boréalité du silence
en marge du temps escogriffe
et de ses rouages rouillés
pour enrayer ses engrenages
je trace quelques mots de sable
afin que reste le bleu du rêve
le peuple du ciel et du vent
âmes d’oiseaux pour les enfants
© Francine Hamelin
Va mon âme
va
mon âme indocile
jusqu’au profond des pierres
jusqu’au plus grand silence
va
mon âme rebelle
retrouver le rêve des arbres
et le corps chaud de la terre
et tes sentiers bleus de louve
va
mon âme insoumise
reprendre la route solitaire
où tout est présence
va
mon âme sauvage
et fidèle
ah infiniment fidèle aux oiseaux
jusqu’au plus loin des horizons
jusqu’au plus grand silence
© Francine Hamelin
Encre
ma plume se fait de nuit et d’encre
mêlées à la sève du temps
où grandissent les arbres
les pierres et les enfants
pour écrire avec le cœur
le monde du vivant
le rêve dans la matière même
l’invisible infiniment présent
je me fais scribe
pour les esprits
qui depuis toujours
m’accompagnent
je trace dans l’espace
les mots nés
des murmures de la terre
cette parole du silence
et ce sera peut-être
comme un soupir
au bout de mes doigts
ce sera peut-être
comme un matin
qui respire
comme un peu de pluie
avant la nuit
et l’eau qui chante
sur les feuilles
ce sera peut-être
comme une étincelle
de la mémoire des racines
allumant dans l’envol d’une aile
le brasier d’un poème
pour traduire le rêve
et l’âme nue du silence
des mots comme des oiseaux
dans la nuit d’encre de ma plume
© Francine Hamelin
Au pied du vieux bouleau
je me suis assise au pied du vieux bouleau
j’ai offert le tabac à la Terre et aux esprits
qui m’apportent la sérénité et la lucidité
pour parcourir les chemins de l’âme
j’ai remercié pour le visible et l’insaisissable
pour m’avoir faite racine et oiseau
feu et cendres pierre et rivière
pour les fragiles merveilles
et la durée de l’arbre
j’ai remercié pour le rêve qui unit tout
l’océan et la montagne
l’aurore la plus vibrante
et la nuit la plus profonde
les déserts et les oasis
la solitude et la multitude
la vie la mort
et l’existence entre les deux
au pied du vieux bouleau
j’ai posé mon cœur d’enfant
et repris ma route de louve
© Francine Hamelin
Coûte que coûte
«Ce monde, vous savez, ce monde de grandes personnes, je n’en suis pas.»
(Katherine Mansfield)
naître d’une respiration du rêve
rêver jusqu’au dernier pas de la route
et partir sur le souffle infini du temps
coûte que coûte s’émerveiller
de toutes les infimes beautés de la Terre
même si tout doit disparaître
accepter l’éternelle impermanence
l’errance peut être joyeuse
il n’est d’inéluctable
que le chemin sans cesse inconnu
passée toute illusion
il me reste le rêve
cette liberté inaltérable
cette mémoire sacrée de la terre
des pierres et des arbres
des oiseaux et de l’eau
le devoir de rêver
et d’en porter le poids
et d’en porter la joie
je n’ai jamais su être une grande personne
© Francine Hamelin
Là où je suis
j’accueille le silence à bras ouverts
lui qui vient apaiser mon cœur
quand parfois il s’égare
dans les incompréhensibles arcanes
d’un monde cacophonique
je prends le silence à bras le corps
lui qui vient abrier mon âme
et mes nuits et mes jours
mon refuge où j’écoute
où je suis
où je vois le chant du temps
et les chemins du rêve
où rien ne se plie au jeu
des circonstances
et des apparences
là où dansent les atomes
dans les yeux des enfants
et le long vol des albatros
© Francine Hamelin
L’oiseau de la nuit
l’oiseau de la nuit
viendra bercer mon âme
me donnera le rêve bleu
des enfances profondes
et les libres chemins
de la solitude
l’oiseau de la nuit
posé sur mes épaules de silence
accompagnera mon errance
au-delà des ombres
sur un océan sans port d’attache
vers les forêts possibles
la douceur incertaine
d’une aurore inconnue
son chant se glissera
comme un velours d’étoiles
dans ma voix rauque
de louve insoumise
ses ailes seront mon voyage
et son envol ma poésie
l’oiseau de la nuit
l’ami toujours fidèle
au chant d’encre
aux plumes de papier
dans les cahiers de ma vie
© Francine Hamelin
Vieil ami
toi qui rêves toujours
des entrailles de la terre
jusqu’à l’infini bleu
mon vieil ami
dans le mystère ancien
des pierres de mémoire
et des herbes qui chantent
toi qui connais
les voyages des oiseaux
et la poussière de soleil
qu’ils apportent
dans l’éclat de leurs ailes
tu me diras encore
les chemins des esprits
la danse des atomes
la lumière des sèves
le cœur des enfants intemporels
et ton âme et la mienne
dans les racines du silence
© Francine Hamelin
Émeraude
je transmuerai l’été comme se consument les légendes
dans les blés confondus de pavots
dans la fluidité des gestes
je tresserai la patiente incantation de mon pays
sous la caresse des jours infinis
voyages d’eau et de sel
saisons d’émeraude
ô visages secrets dans le secret des ruisseaux
et les soleils reviendront fleurir
aux paysages retrouvés de l’enfance sereine
© Francine Hamelin