Filigranes

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Les cathédrales englouties

 

le jour est venu jusqu’ici
avec ses grands silences d’or

le long soleil des anémones
brûle dans les cathédrales englouties
parmi les splendeurs sous-marines
des vitraux et des pierres vertes

un arbre d’eau et de lumière
a poussé comme une prière
sous les regards éternels
des statues aux yeux de corail

ici passe le temps perdu
sur les ailes souples et fluides
d’un rêve enivré d’infini

© Francine Hamelin

 

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Aurore

 

l’ombre s’évapore

que les aigles de l’aurore
me conduisent vers toi
mon pays éternel

le jour bascule aux sabliers brisés
le sable ne coule plus
la plage ne se défait plus
l’océan n’a plus de naufrages

© Francine Hamelin

 

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Prolongement

 

je vis du temps qu’il fait lorsqu’on meurt à demi
je vis du temps qu’il fait lorsque plus rien ne bouge
tout chante entre deux aubes et je deviens silence
et je meurs à demi d’arbres et de cordages
la mer entre mes doigts prolonge mes artères

je nais d’oiseaux de neige qui consument mon sang

© Francine Hamelin

 

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Partir

 

partir sans bagages
partir au fond de soi
mais sans bouger d’un pas
se noyer dans l’océan
d’un silence
et s’élancer dans le ciel d’une fenêtre

rêver de voyages
et regarder s’enfuir
les trains pour nulle part
qui emportent avec eux
l’espace d’une vie
un visage
et le temps qui passe

© Francine Hamelin

 

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L’arbre

 

vitrail vert dans le mouvement du vent
aux reflets de lumière
il chantait tout le jour
des musiques d’oiseaux
jusqu’à pleurer
des larmes d’or et d’écarlate

© Francine Hamelin

 

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L’attente

 

je suis née de la terre
j’attends un vaste printemps
où le soleil s’aiguise
aux pierres des ruisseaux

j’attends que le temps rêve
au détour du chemin
à ce pli de nuages
où les oiseaux de neige
se fondent en lumière

j’attends que tout vienne au monde

© Francine Hamelin

 

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Au-delà de l’hiver

 

tout au fond des yeux de mes frères
le secret du monde est enfoui
je sais qu’au-delà de l’hiver
les enfants le déterreront

© Francine Hamelin

 

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Genèse

 

que naisse ce matin de vent
que meurent nos yeux impatients
à la croisée des routes calmes
si pour voir il nous faut mourir
de ce soleil de presque-mer
cet astre d’eau et de lumière
dans la moiteur glauque des arbres

© Francine Hamelin

 

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Le temps

 

voilà que toute chose passe
un arbre rêve et reste là
à regarder le paysage
qui vit dans les yeux des enfants
un oiseau chante au creux de l’arbre
et l’espace habite le temps

voilà que toute chose passe
voilà qu’un arbre reste là
et voilà que tout changera

© Francine Hamelin

 

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L’enfant et l’espace (légende pour Alice)

 

parfois
en un instant d’éternité
un enfant regardait
jusqu’au fond de l’espace
apprivoisant
l’aurore
et la couleur de l’eau
et les étoiles
qui rêvaient dans nos yeux

et l’oiseau du soleil levant
riait
à l’intérieur de la lumière

© Francine Hamelin

 

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Ports

 

dans les ports incendiés où je n’habite point
des navires s’ouvrent un chemin de pavots
aux ogives des vagues
laissant derrière eux
les oiseaux enlisés au bitume des débarcadères nocturnes
les gargouilles vermoulues aux murs des forteresses
les galères endormies en leur propre sillage
dans tous les ports que je ne connais pas

© Francine Hamelin

 

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Alchimies

 

nous plierons un peu le cou
pour déchiffrer
la ciselure des lichens
et écrire encore une fois
les fragiles alchimies
de nos têtes penchées

© Francine Hamelin

 

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Échafaudages

 

j’ai construit rue par rue
mur par mur
une ville immobile
pour y inscrire
la folie de ma tête penchée

© Francine Hamelin

 

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Floraison

 

et le temps passe
avec la tranquillité des dernières neiges
les rires se tressent entre heures et siècles
le jour se lève
sur les montagnes orientales
falaises de granit
où viennent se briser
l’océan du vent
et la marée des forêts

© Francine Hamelin

 

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Échos

 

l’écho d’un météore s’éteint dans les orangeraies
toute rencontre est d’avance reconnue
aux carrefours de juillet

nos mains sont d’impalpables oriflammes
dans la mystérieuse fête des étés clandestins

© Francine Hamelin

 

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Naissance

 

la mort est morte au creux des mains du soleil
jour et nuit ont trépassé
tout est lumière

le temps est attentif
comme un oiseau suspendu à la sève des cèdres

© Francine Hamelin

 

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Rêve

 

j’ai vu nos visages
touchés par le vent
au profil du contre-jour
à même le sommeil secret des forêts

et nos noms devenaient
de sereines cantates
sur quelque incommensurable équateur

© Francine Hamelin

 

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Au fond du jour

 

comme si un enfant
chantait au fond du jour
et comme si la mort
n’était qu’un mot d’amour
je cherche
une très vaste et très dense musique
qui contiendrait
toutes les pluies d’étoiles
et les chemins de l’univers

oh redis-moi la terre
et l’herbe bleue de l’eau
l’infini mouvement des oiseaux
et la grande beauté des jours

© Francine Hamelin

 

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Cathédrale

 

et je croirai toujours au front bleu des marées
à cet arbre têtu sous la pierre et le vent
cathédrale d’espace au fil de ma mémoire
cet arbre de soleil que tous auront nommé
avec des mots d’agates et des noms de rivières
cathédrale d’enfance au fil de mon pays

© Francine Hamelin

 

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Infini

 

au bout de l’espace
un grand silence chante

tout est contenu
dans un grain de blé

© Francine Hamelin

 

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Métamorphose

 

et si l’oiseau demeure
tout au coeur de la rose
c’est que dans le soleil
s’épanouit un jardin
et que l’eau s’éternise
dans le cours de son rêve

le temps s’arrête ici
où nous venons renaître
à l’envers des raisons

© Francine Hamelin

 

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Redevenir oiseau

 

changer d’adresse
partir sans se retourner
s’en aller
sans laisser de traces
à l’autre bout de la journée

repeindre le jour
aux couleurs du vent
redevenir oiseau
et prendre ses ailes à son cou

© Francine Hamelin

 

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Tant d’enfances…

 

tant d’enfances demeureront secrètes
que seuls en auront vent
les chemins de pierre
– et peut-être
un monde à peine enfoui
sous la paupière des ancolies-

© Francine Hamelin

 

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Dans une cathédrale perdue

 

un enfant marche dans le soleil
un enfant de brume verte
qui va
au bout de l’arbre
au bout du vent et des routes

pour chercher
peut-être
une étoile de feu au fond de l’eau

et nous le verrons passer
devant nous
passer plus vite que le temps
devant nos yeux éblouis
plus vite que les comètes du fond de l’eau

alors
dans une cathédrale perdue
un oiseau se mettra à chanter

© Francine Hamelin

 

E.T.

 

Pour les matins où l’on n’est pas sûr d’être atterri sur la bonne planète…

 

bonjour
dit l’être venu d’une autre planète
je suis un extra-terrestre

ça tombe vraiment très bien
répond l’enfant
moi aussi justement

 

© Francine Hamelin

 

E.T. bis

il me fallait bien passer
par la planète-réalité
pour comprendre
que je m’étais trompée
d’espace-temps

alors je suis rentrée chez moi
parler avec les âmes bleues
du rêve et de la poésie

71ème planète à gauche
en sortant de la galaxie

© Francine Hamelin

 

E.T. ter

 

du grand rêve des pierres
ces racines du temps
au monde des oiseaux
avec qui je voyage

des forêts où j’écoute
les arbres qui me guident
au creux des océans
où chantent les baleines

je vais à la rencontre
des horizons d’aurores
et des âmes amies
et des nuits de lucioles

sur ma planète-poésie
sur mes sentiers de louve douce
à la rencontre des mots bleus
et des rivières de musiques

là où je ne suis pas un OVNI

© Francine Hamelin