j’ai à mes yeux de sable un arbre océanique
à mes pays un fleuve éclaté d’univers
à mes rosiers la terre des demeures sacrées
au centre de mes bras le nom de mes amis
et dans l’envoûtement des propices saisons
les magiciens de l’aube ont délivré ma voix
et j’ai franchi des seuils d’intense solitude
créé contre la mort des incantations d’air
dans le siècle secret de contrées sans frontières
j’ai célébré l’offrande des oiseaux ruisselants
le rêve lumineux qui habite nos os
comme une transhumance au langage des fables
je n’ai laissé de traces qu’aux puits de mes royaumes
pour que se renouvellent les chants de plénitude
et pour que les moissons transpercées d’anémones
me révèlent à nouveau la présence des sèves
car j’avais dans mes veines une île foudroyée
de multiples comètes en ses pierres profondes
un pays de silence aux musiques du cœur
et au cœur de mes doigts la courbure des sources
d’étranges tournesols ont plu sur ma planète
d’innombrables résines ont transformé les pins
et métamorphosé les statues de granit
mais ont laissé intactes les racines de l’aube
mais aujourd’hui le temps s’est dissous sans un heurt
au pacte perpétué de nos nouveaux visages
pareils à des étangs vivifiés de fougères
dans le tressaillement d’une première aurore
j’enterre les épées sous le nom de l’hiver
pour que se fonde encore l’alliance profonde
aux pays épanouis de forêts innombrables
comme une enfance immense devinée sous les âges
ô mystère de l’eau en mes châteaux d’opale
ô chemins de sel clair transparence du jour
où s’effacent les heures dans le vent vagabond
comme en ces lieux vermeils où le temps ne demeure
j’ai cueilli ce matin un regard en ogive
et des roses de pluie aux portes des demeures
où j’ai vécu debout comme un arbre de pierre
en ces pays d’espace où rien ne s’abolit
un soleil est venu aux cathédrales bleues
à mes paumes en rivières d’infinies arabesques
un soleil éclaté aux cantates de terre
comme un rire de sources aux forêts de lumière
je te donne aujourd’hui l’éternité du rêve
un cosmos à peupler d’enfances connaissables
je te donne aujourd’hui les mots de mon silence
et le siècle secret de mes mains au poème
© Francine Hamelin (tiré de Pour dire mon pays et ceux qui l’habitent)