dans quelle ivresse sombre
s’est éloignée
la musique d’une aile
entrevue à la fenêtre
soirs de platine gris
sertis de distantes lumières
au fin fond de la mémoire et de l’oubli
les oiseaux sont dehors
et les humains dedans
à faire la ronde des secondes
une femme s’envole
accrochée aux cheveux du vent
cherchant un éclat de soleil
de l’autre côté du miroir
de quelle couleur sont les yeux des oiseaux de la solitude
teintes d’abîmes
étranges profondeurs
vacillantes lueurs
« je veux trouver la clé »
dit la femme envolée
au-delà des secondes
perdue dans la ronde de ses pensées
« je veux trouver la clé »
et dans l’insoutenable brûlure des interrogations
ses yeux pour un instant refleurissent
l’aile n’est plus à la fenêtre
la femme cherche encore la clé
en tournant sur elle-même
au souffle du vent
en silence
sans se retrouver
les humains sont ailleurs
à faire le décompte des heures
un vieil air de blues s’enfuit
dans le sommeil des villes
*****
étrange et lente et lancinante
une plainte grise grandit chancelante
inaugure la jungle d’acier
les froids reflets du fer et du verre
les rivières macadamisées
où roulent les flots des cités carrées
métalliques mécaniques
et les vagues regards usés de l’inhumanité
une plainte comme un cri
l’angoisse lancée à la face de l’ombre
la femme a les yeux fermés
elle jouait à l’éternité
il est midi
le temps l’a rattrapée
une plainte comme un sanglot
un poing levé vers l’absence
il est minuit de l’autre côté de la mappemonde
*****
un soleil tournoyait
mais loin
mais si loin
il y avait des gouffres et des abîmes
à traverser encore
la femme s’est éclipsée dans l’immensité
il manquait un pas pour franchir le seuil
la femme s’est enfargée
dans l’escalier de ses idées
il manquait un pas pour tromper l’angoisse
la femme est tombée
parmi les étoiles inaccessibles
une main tendue qui n’attend plus
a rompu le fil de la patience
la femme est tombée
acrobate désarticulée
trois millions d’années-lumière et des poussières
en avant comme en arrière
la femme a chaviré
la femme a basculé dans un trou de mémoire
la femme s’est éclatée
en atomes d’éternité
la femme est devenue nuée
s’est dispersée au souffle du très grand large
il manquait des routes et des chemins et des signes
pour dépasser l’absence
et défaire la trame de la nuit
tissée sombre et serrée
autour de son coeur broyé
la femme a tournoyé dans l’immensité
tenant entre ses mains
le cercle déchiré
son destin brisé
et les sources taries en solitude extrême
au désert
à trois millions d’années-lumière
et des poussières…
© Francine Hamelin (tiré de La femme envolée et autres poèmes du feu et de la soif)
Quel généreux et tendre geste d’amitié que de prendre sa plume et l’offrir
à une personne que l’on affectionne.
Très beau cette poésie du coeur.
Amitiés
Manouchka
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En fait, c’est un poème que j’avais écrit pour une amie qui s’est suicidée, trop jeune, à 24 ans. Alors, oui, c’est une poésie du cœur, mais aussi de la peine.
Bonne journée, Manouchka.
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Merci Francine pour ce triste détail…
Je vais relire autrement…
Bonne journée également
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🌹
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Après relecture…Tout prend un nouveau sens…tellement profond.
Et l’émotion m’a pris le coeur et la mémoire…
Mémoire de ma soeur qui s’est suicidée à 29 ans, un 20 septembre.
Il y a des ces synchronicités qui nous laissent abasourdis.
Merci Francine…J’aimerais avoir ton courage et écrire pour ma soeur.
C’est encore trop difficile….
Manouchka
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De tout cœur avec toi, Manouchka.
Je t’embrasse.
🦋💚
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