entre l’eau et la terre
j’attends
la vie m’est mémoire de transparence
dans la chaleur des longues étoiles pourpres
entre l’aube et l’aurore
j’attends
ô cosmique solitude des soleils
chaque instant est éternité
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mais aveugle j’attends
les villes sont venues mourir comme des coquillages
aux portes de nos vies
plus rien entre les jours que cette attente lancinante
villes fondues que nous avons tuées avant l’aurore
quand n’existait que cette solitude parfaite
de l’homme face à l’homme
le temps sans doute a rongé nos rêves de fleuves perdus
nos cœurs sont mis à nu
mais tout est immobile
nul ne parle nulle main ne se tend
aveugle
j’attends que se soulèvent les rochers de mes paupières
rien ne tremble au creux des saisons
nul geste ne déroule son frémissement
nulle route ne déploie ses doigts de poussière bleue
tous les ruissellements d’astres se sont pétrifiés
-par quel destin magique-
rien ne tremble
et j’attends
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ô difficile parole du monde solitaire
au seuil du sable et de la cendre
entre les rives secrètes des étangs
séjour des fontaines craintives
mystère des êtres si fragiles
nous écoutons
qui donc répondra à la muette interrogation des algues
maintenant que se sont tus tous les langages
et toutes les voix d’oubli et de mémoire
chemins enchevêtrés de la difficile parole humaine
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l’hiver avait rongé notre mémoire
mais nous avons tué les villes
avec une poignée de blé
jetée au hasard du rêve
des oiseaux sont venus tomber
dans le jardin désert
alors nous nous sommes étendus au creux du temps
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aveugle
j’attends
parmi les rues ensevelies d’herbes hautes
tous se sont couchés sur le côté
ceux qui chantaient
et ceux-là qui marchaient sur leur ombre
ceux qui parlaient
ceux qui regardaient
ceux-là aussi qui construisaient leur oubli
tous
innombrables
à refaire la patience du monde
et les pays vivants
à apprivoiser le très grand secret de la terre
immense et belle parole de vivre
rien ne tremble que l’espérance
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entre nuées et galaxies
j’attends
nous avions troué l’horizon
ô abîmes du rêve
ô brumes fluviales de l’âge des cités
alors nos regards se perdirent parmi les espaces
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ô villes secrètes que nos mains déracinèrent
quand les marées des montagnes
criaient leur frisson de granit
ô écume des rochers
quand les fleuves de pierre
se cimentaient au printemps des aciers
mais nul ne retrouve l’accent d’un premier soleil
rien ne murmure au fond des jours
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j’aimais
ah comme j’aimais la voix des eaux mouvantes
mais il n’est point d’eau dans le silence
qui fasse même une rumeur
tout se tait
jusqu’aux racines de notre enfance
j’attends
j’attends que s’évanouisse le reflet pétrifié du demi-sommeil
et qu’éclate la surface de ce trop calme miroir
où tous ont accroché leur nom et leur visage
j’attends que s’éveille le monde
il n’est point de mur si étanche
qu’il ne laisse pousser des arbres
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silence
ô parole parfaite
je signerai un pacte avec l’étoile
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j’attends
l’univers m’envahit
en moi se rejoignent paix et angoisse
musique et immobilité
en moi se confondent
les océans et les rivages
l’oiseau et l’oranger
la main et le geste
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un enfant nous a pris par la main
alors nos yeux se sont ouverts
sur le jour éclaboussé de soleil et de cristal
et nous nous sommes relevés
nos veines vibrantes de comètes
ô nuées d’ailes dans nos têtes
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Terre
Terre
pays de lumière
cathédrale de beauté
et c’est ici que nous vivrons
Terre ô Terre
cheminement d’humanité
rouge splendeur du songe
Terre
c’est pour toi que nous serons
sentinelles attentives du vent et des sèves
dans l’unité de l’arbre
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je crois encore en la magie du monde
© Francine Hamelin (tiré de Les heures de sable)
Il se dégage une incroyable force vitale de ce magnifique et entêtant poème.
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Merci, Gabrielle. 🌹
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Prendre la main par les mots et le cœur par la poésie. J’adore
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